OGM : quand les mammouths sont de chevaux de Troie

Par Inf'ogm

Publié le 25/01/2023

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L’industrialisation galopante de notre environnement depuis un siècle a provoqué la disparition de nombreuses espèces vivantes. Cette sixième extinction de masse est la première attribuée spécifiquement à l’action humaine. Face à ce constat, plusieurs approches politiques et scientifiques sont proposées, qui ne s’attaquent pas aux causes mais essayent réparer les dégâts, telle la dé-extinction.

L’idée démiurgique de faire revivre des espèces disparues n’est pas récente. Dès les années 1920, des biologistes ont tenté de faire revivre l’aurochs, ancêtre de nos bovins, en croisant des races domestiques « rustiques ». Plus récemment, c’est le clonage qui a été tenté. Est ainsi né un bouquetin des Pyrénées (dont le dernier spécimen avait disparu en 2000) [1], qui ne survécut que quelques minutes [2]. La nouvelle stratégie fait intervenir les modifications génétiques et la biologie de synthèse. Le projet rendu le plus populaire est celui de la résurrection du mammouth laineux, porté par l’entreprise Colossal Biosciences.

D’un point de vue technique et éthique, ce projet pose de nombreuses questions. Mais surtout, comme le précise à Inf’OGM Teri Herridge, biologiste et chercheuse, notamment au Musée d’Histoire Naturelle de Londres, « il ne s’agit pas de la dé-extinction du mammouth laineux. Il s’agit de créer une espèce chimérique à partir du patrimoine génétique de l’éléphant d’Asie et du mammouth laineux. Si l’on utilise des cellules souches d’éléphant d’Asie, il y aura aussi des mitochondries d’éléphant d’Asie. Et si des mères éléphantes africaines sont utilisées pour la gestation, l’épigénétique des éléphants africains jouera également un rôle » [3]. Oubliés tous les phénomènes biologiques autres que ceux qui concernent les génomes ou épigénomes et qui font la vie à toutes ses échelles. Colossal Biosciences s’intéresse aussi au tigre de Tasmanie. Ce loup marsupial a fortement été chassé par les Européens après la colonisation de l’île de Tasmanie, et le dernier d’entre eux est mort au zoo de Hobart, en Tasmanie, il y a 86 ans.

Faire revivre ou éviter des disparitions d’espèces ?

Colossal Biosciences avance que la méthode actuellement développée pour le mammouth laineux pourrait être appliquée à d’autres espèces aujourd’hui en danger, pour aider à prévenir leur extinction. Mais les scientifiques impliqués dans la lutte contre la disparition des espèces craignent, au contraire, que le financement de telles opérations médiatiques nuise aux efforts de conservation plus classiques. Ils avancent qu’avec une somme équivalente, ces efforts traditionnels pourraient sauver jusqu’à huit fois plus d’espèces.

Les travaux menés actuellement sur le mammouth laineux ou le tigre de Tasmanie pourraient aussi cacher des intérêts moins louables. Pour preuve, la CIA, à travers son entreprise de capital risque In-Q-Tel, a décidé d’investir massivement dans l’entreprise Colossal Biosciences. Le 20 septembre 2022, deux responsables de In-Q-Tel précisaient : « D’un point de vue stratégique, c’est moins une question de mammouths que de capacités » [4]. Le mammouth n’est donc qu’un cheval de Troie pour faciliter l’acceptation sociale, faire avancer l’idée que les biotechnologies peuvent tout faire, et engranger des dividendes pour faire progresser des recherches qui seront utilisées à d’autres fins, comme l’agriculture, les armes biologiques, le transhumanisme, etc.

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