Agriculture et biodiversité : une relation ambigüe
Si les humains par le passé ont souvent favorisé, même involontairement, le développement d’une certaine biodiversité (avec la polyculture-élevage, l’ouverture des milieux…), les monocultures intensives et la « conversion » des terres agricoles (euphémisme pour ne pas parler de destruction) qui gagnent la planète la détruisent aujourd’hui de façon massive.
La biodiversité est présente dans tous les milieux : les sols, l’eau, l’air, et même ceux qui paraissent totalement artificialisés. Les différents écosystèmes recèlent une foultitude d’être vivants plus ou moins en équilibre.
Le sol : biodiversité à tous les étages
Les sols, par exemple, sont des réservoirs de microfaune et microorganismes en général (champignons, bactéries…), dont la présence est restée longtemps insoupçonnée, du fait de leur invisibilité à l’œil nu. Leur biodiversité est encore très mal connue (seulement 1/1000 des bactéries par exemple), mais on estime qu’elle contient « 25% des espèces décrites sur Terre, ce qui est bien supérieur à la diversité décrite pour les canopées tropicales » [1]. À titre d’exemple, un mètre carré de sol (sur 20 cm de profondeur) peut renfermer plusieurs centaines d’espèces d’invertébrés et un gramme de sol renferme plusieurs milliers d’espèces bactériennes. Ces êtres vivants jouent un rôle dans la construction et l’équilibre des sols : des micro-organismes décomposent la matière organique, certaines bactéries fixent l’azote de l’air, certains champignons favorisent l’assimilation des nutriments en s’associant aux racines des plantes, les vers de terre (macrofaune) participent à la structuration du sol, etc.
Mais ces écosystèmes riches en processus écologiques sont de moins en moins nombreux du fait de la présence humaine, et sont remplacés par d’autres écosystèmes, plus artificialisés, c’est-à-dire simplifiés et déséquilibrés : l’urbanisation par exemple, détruit non seulement les sols (en France, 0,2% des terres agricoles disparaissent chaque année depuis 2000, ce qui justifie amplement des luttes comme celle de Notre-Dame-des-Landes), mais entraîne aussi une pollution de l’air et des eaux, changeant ainsi les conditions de vie des êtres qui les peuplent. Autres causes de l’érosion de la biodiversité : la surexploitation des ressources naturelles, la prolifération d’espèces invasives, et le changement climatique.
La Biodiversité aime l’agroécologie
L’agriculture est, elle aussi, responsable de nombreux changements, tant dans que sur le sol, affectant également, suivant le type d’agriculture, l’air et l’eau. Le travail du sol par exemple, plus ou moins profond (labour, passages de tracteurs pour les applications d’intrants) entraîne des perturbations de la vie du sol.
Vouloir protéger la biodiversité en agriculture, c’est parfois laisser certains habitats non cultivés ; mais c’est avant tout éviter de détruire les sols ; et parfois les faire revivre : c’est la base de l’agroécologie paysanne, même si l’interdiction de l’utilisation des herbicides de synthèse en agriculture biologique est parfois associée à une mécanisation accrue et à un travail du sol plus profond. Mais c’est aussi maintenir une biodiversité végétale cultivée, dans des systèmes de polyculture-élevage, quasi-disparus dans les pays occidentaux. En effet, en voulant produire plus et plus vite grâce aux intrants et aux variétés dites « améliorées », l’agriculture intensive a détruit l’ensemble des écosystèmes où elle s’est implantée. La sélection d’un faible nombre d’espèces animales et végétales pour l’alimentation humaine (seulement trois céréales – le riz, le blé et le maïs – fournissent 60% des calories et 56% des protéines de l’alimentation humaine) s’accompagne également d’une perte de diversité génétique entre et au sein des variétés ou races à l’intérieur de chaque espèce, donc de faculté d’adaptation. La biodiversité des espèces non sélectionnées n’est certes pas perdue, mais les interactions entre systèmes cultivés et l’environnement sont appauvries, ce qui menace la durabilité des cultures et des élevages.
[1] Hainzelin, H., Cultiver la biodiversité pour transformer l’agriculture, Quae, 2013