Lettre à un paysan de 90 ans
Fabrice Nicolino, journaliste indépendant et intransigeant, revient sur un siècle d’histoire de l’agriculture. Dans cette lettre ouverte à un paysan de 90 ans, il évoque, sans mâcher ses mots, mais avec précision, l’arrivée de la mécanisation, des intrants chimiques, la mise sous dépendance progressive des paysans. Le monde agricole s’est métamorphosé au point de devenir un « vaste merdier ».
Avant de publier ce pamphlet, l’auteur anticipait une réaction d’hostilité face à sa prose : « Je n’attends plus que le goudron et les plumes. Ou la bouse et les cornes, faudra voir. Car je vais publier (…) un livre qui ne plaira guère à l’agriculture industrielle ».
Ce petit livre, facile à lire du fait d’un style vif et dynamique, présente des personnages représentatifs de l’histoire récente de l’agriculture. Notre ami Nicolino se fait ainsi un plaisir à décrire finement André Pochon, « un paysan, un vrai » dont les découvertes culturales ont été « enfouies à double tour » et rédouvertes tardivement ; Michel Debatisse, son faux jumeau qui accepta de participer au démantèlement de la paysannerie… Raymond Février, chercheur à l’Inra qui, influencé par les méthodes Outre-Atlantique, participera à l’industrialisation et l’artificialisation de l’élevage… L’avant-dernier chapitre est consacré à Xavier Beulin, un industriel, un financier à la tête à la fois de la FNSEA que Nicolino définit comme « le syndic de la liquidation de la paysannerie » ; et de Sofiprotéol, « un monstre protéiforme » avec 7,3 milliards d’euros de chiffre d’affaire en 2012, qui a investi dans les agrocarburants (le Diester, marque déposée), les OGM via Biogemma, la génétique animale via Hendrix Genetics, etc.
Sa conclusion est sans appel : on ne peut plus continuer, on ne doit pas ralentir le train mais changer de direction. « Une autre histoire était possible. Un autre monde est à construire ».