État d’urgence vs. urgence d’informer
Le gouvernement français a décrété l’état d’urgence en novembre 2015 afin de lutter contre le terrorisme. Il est toujours difficile d’évaluer l’efficacité d’une telle mesure…
On peut juste dire que l’état d’urgence n’a pas empêché que des actes barbares et sanguinaires se produisent sur le territoire français, et qu’il a profondément perturbé les actions militantes : assignation à résidence, interdiction de manifester, perquisition chez des personnes qui n’ont rien à voir avec le terrorisme mais connues pour leurs positions contestataires. La perquisition d’une ferme bio en Dordogne, par exemple, laisse songeur sur les vrais motifs de cet arsenal législatif. On a vu comment Vigipirate s’est installé, institutionnalisé… L’état d’urgence ne va-t-il pas suivre le même chemin ?
En mai 2016 déjà, Amnesty International dénonçait « la pérennisation d’un régime aux conséquences extrêmement lourdes pour les droits humains ». Avec le énième renouvellement de cette situation dramatique en juillet 2016, on peut légitimement se demander si l’état d’urgence ne va pas se transformer progressivement en état policier. La peur de la violence aveugle des partisans de Daech et la violence légale présentée comme un remède rendent toute action de désobéissance civile illisible.
Lors de l’occupation pacifique d’une usine de Monsanto à Trèbes, en juillet 2016, la Préfecture s’est permise de juger cette action « irrespectueuse » en période de deuil national. Les Faucheurs Volontaires n’ont pas voulu entrer dans ce jeu-là et ont répondu que « c’est en solidarité avec toutes les victimes de violences, de haine et d’injustice en France et ailleurs dans le monde que nous sommes là pour dénoncer les crimes commis par un système, un système dont Monsanto est un acteur essentiel qu’il est urgent d’arrêter ! ».
Nous, en tant que journalistes, il nous faut dénoncer les dérapages de la violence légale, montrer que la légalité et la légitimité ne sont pas toujours dans le même camp, qu’il est urgent de continuer d’exprimer ses opinions, et de pouvoir le faire sans crainte d’une expulsion ou d’une arrestation rendues faciles avec cet état d’urgence.