Tintin au pays des OGM
En 1965, le Professeur Tournesol annonçait l’avenir de l’agriculture (cf. “Tintin et les oranges bleues”, Ed.Casterman, p.46) : “Je crois qu’il n’est pas trop ambitieux de dire que, dans une dizaine d’années, nous ferons pousser dans le sable non seulement des oranges bleues (…) mais toutes les grandes cultures (…) le blé (…) la pomme de terre…” Depuis revient régulièrement cette promesse, psalmodiée par des Tournesol de toutes spécialités : l’industriel (Le Monde, 7 sept. 2004), l’académicien des sciences (Le Monde, 22 oct. 2003), et même par un Tournesol d’hybridation entre la philosophie et les compagnies d’assurances (Le Monde, 4 sept. 2001). Ces écrits d’automne répondent aux arrachages d’été de cultures de plantes transgéniques. Ils annoncent un printemps toujours imminent où les champs, peuplés de chimères transgéniques et d’où toutes les pestes auront été éradiquées, produiront des moissons abondantes et goûteuses. Alors, les plantes nourriront ou soigneront sans limites selon les besoins, et la nature enfin maîtrisée cèdera aux charmes imparables de l’agriculture intensive….
Pourtant, les parasites s’adaptent aux pesticides fabriqués par les PGM, l’usage des désherbants s’intensifie quand les PGM y sont tolérantes, les séquences génétiques insérées dans les plantes se “réarrangent” de façon imprévisible, la main-mise des entreprises multinationales grandit grâce aux brevets, et la sous-alimentation ne régresse pas… Ce qui surprend, surtout de la part de scientifiques, c’est leur refus de consulter les documents qui contestent le bien-fondé de leur projet. Il est alors malvenu qu’ils condamnent “l’obscurantisme” de ceux qui analysent les faits plutôt que de céder au messianisme généticien.
Michel Debrand, directeur général de Biogemma, affirme que “les Anglo-Saxons mesurent la balance bénéfices-risques” de ces biotechnologies. Peut-être n’est-il sensible qu’aux bénéfices des multinationales car nul consommateur n’a encore pu apprécier le bénéfice qui serait apporté par les PGM, pourtant cultivées sans être arrachées sur plus de 60 millions d’ha.
A aucun moment ceux qui veulent imposer les PGM ne posent le problème de la démocratie. Pourtant, plus de % des Européens ne veulent pas de ces plantes et les débats les mieux instruits en France (conférence de citoyens de 1998, débat “des quatre sages“ de 2002) ont conclu notamment à la nécessité préalable d’un système d’assurance et indemnisation (qui n’existe toujours pas !), et au confinement des essais de PGM dans les laboratoires.
Devant le mépris affiché pour ces exigences, la violence inédite à l’encontre des opposants.et les procédures pour faire annuler des dispositions de précaution prises par de nombreux élus, comment s’étonner que se poursuivent les arrachages de plantes transgéniques cultivées en plein champ.