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La toxine Cry1Ab se transmet-elle dans une chaîne alimentaire ?
A l’Institut d’entomologie de l’Université d’Hanghzou en Chine, le Pr. Chen et ses collègues ont cherché à établir dans quelle mesure la protéine insecticide Bt se transmettait dans une chaîne alimentaire [1]. Cette notion de transmission signifie qu’une protéine, présente dans l’alimentation d’un premier organisme quel qu’il soit, puisse se retrouver chez son prédateur, puis chez le prédateur du prédateur et ainsi de suite. Pour ce faire, les scientifiques chinois ont choisi de suivre la protéine Bt (Cry1Ab) présente dans un riz transgénique. Leur étude a donc consisté à chercher cette protéine chez un insecte prédateur de ce riz GM, Cnaphalocrocis medinalis (C. medinalis) puis chez le prédateur de cet insecte, l’araignée Pirata subpiraticus (P. subpiraticus). Cette dernière fut nourrie dans l’expérience à l’aide d’insectes C. medinalis morts ou vivants. Les résultats obtenus montrent que qualitativement, la protéine Cry1Ab est retrouvée à la fois chez l’insecte nourri avec du riz GM et chez son prédateur. Mais les chercheurs précisent que la quantité de protéine retrouvée ne suit pas les périodes d’alimentation ou de prédation. Par ailleurs, que P. subpiraticus se nourrisse d’insectes ayant ou non consommé du riz GM, sa fécondité et durée de vie n’en sont pas affectées alors que la durée de sa période de croissance est plus longue si sa proie a consommé du riz GM. Enfin, sur une durée de trois ans, les chercheurs ont établi que la densité de population de P. subpiraticus n’était pas affectée, ce qui paraît cohérent avec l’observation d’absence d’impact sur sa fécondité et durée de vie.
Ces résultats montrent donc que la protéine Cry1Ab passe du riz à l’insecte qui le consomme et de cet insecte au prédateur. L’absence d’impact de Cry1Ab sur le prédateur est expliqué par l’absence de récepteur spécifique à cette protéine dans l’intestin du prédateur, récepteurs qui sont obligatoires pour permettre l’expression de l’activité toxinique. Les chercheurs émettent même l’hypothèse que l’insecte disposerait très probablement d’enzymes efficaces à le protéger contre la protéine Cry1Ab.
Rappelant les travaux passés sur les thèmes de l’accumulation et des impacts de la protéine Cry1Ab dans l’environnement et les organismes cibles ou non cibles (dont ceux du Pr. Marvier, [2] et du Pr. Lovei, [3]), les scientifiques considèrent qu’il n’existe pas à l’heure actuelle de lignes directrices claires pour évaluer les effets des plantes Bt sur les insectes non cibles. Selon eux, les résultats qu’ils présentent pourraient servir de base aux agences nationales pour mettre en place de telles évaluations.
[1] « Analysis of Cry1Ab toxin bioaccumulation in a food chain of Bt rice, an herbivore and a predator », Chen M. et al., Ecotoxicology (2009) 18:230–238