Des résistances à la hauteur de l’invasion d’OGM
Les résistances citoyennes contre les OGM sont nombreuses en Amérique latine, à la hauteur d’une production pléthorique. Les militants, parfois durement réprimés, n’en continuent pas moins le combat…
Les résistances citoyennes contre les OGM sont nombreuses en Amérique latine, à la hauteur d’une production pléthorique. Les militants, parfois durement réprimés, n’en continuent pas moins le combat…
Dès 1999, en même temps que naissait Inf’OGM, apparaissait en Équateur le « réseau pour une Amérique latine libre de transgéniques »
[1]. En partenariat avec d’autres ONG de terrain, liées aux consommateurs et aux mouvements écologistes, ce réseau irrigue par ses informations tous les pays du sous-continent.
On l’a vu, la majeure partie du soja produit en Amérique latine est transgénique, et tolère le glyphosate. C’est pourquoi la lutte contre les OGM est bien souvent menée avec les militants anti-pesticides. Le Brésil est le pays au monde qui utilise le plus de pesticides : un milliard de tonnes/an (7,3 l de pesticide par brésilien et par an), et 70 % de ses aliments sont contaminés [2]. L’Argentine n’est pas en reste, avec ses immenses superficies cultivées en soja aspergé, par avion, par plus de 300 millions de litres de glyphosate chaque année [3]. De nombreux cas de malformations congénitales, cancers, maladies respiratoires, de la thyroïde [4]… ont explosé depuis 20 ans. Certains procès commencent à aboutir : les Mères du quartier Ituzaingó Anexo, à Córdoba, ont réussi à faire condamner en 2012 un producteur et l’entreprise qui aspergeait les champs voisins (trois ans de prison avec sursis). Et le 1er octobre 2018, un juge argentin a interdit les applications de pesticides à moins de 1000 mètres des écoles de Entre Ríos (nord de Buenos Aires), et trois kilomètres si les applications sont aériennes.
Peu d’arrachages mais manifestations et blocages
Faucher des essais ou même quelques hectares de cultures transgéniques, comme ce qui s’est fait en France, n’a plus de sens face à des millions d’hectares cultivés. Restent les manifestations massives (voir encadré ci-dessous pour le Chili) contre les multinationales semencières (dont Monsanto par le passé, racheté par Bayer), des procès, ou les blocages d’instances de régulation, comme le CTNBio au Brésil.
Des raisons d’espérer pour les militants ? Le nouveau président du Mexique a annoncé une interdiction des cultures transgéniques, la Cour constitutionnelle d’Équateur a réaffirmé sa condition de pays libre d’OGM [5], et le moratoire péruvien est toujours en vigueur…
Des usines de semences GM sans autorisations légales
Au Chili, la société nationale ANASAC a construit, avant même d’obtenir une autorisation légale, la première usine de semences de maïs transgénique et variétés hybrides pour l’exportation en 1998, dans la ville rurale de Paine (région métropolitaine). L’usine a ensuite été agrandie à deux reprises pour sélectionner des semences hybrides et transgéniques de maïs et de soja GM destinées à l’exportation. Monsanto a acheté cette usine et en 2017 a obtenu l’autorisation d’une nouvelle étude d’impact sur l’environnement pour agrandir cette usine, afin d’ajouter la sélection et le traitement des graines de colza transgénique. L’usine pro-duit aujourd’hui 48 000 tonnes de semences. Mais il n’y a jamais eu d’évaluation réelle d’impact environnemental, notamment sur les risques de contamination des semences de maïs traditionnel, la perte de biodiversité et les dommages causés à la santé des habitants de ce territoire. La participation des citoyens à l’évaluation de ce projet de Monsanto n’a pas non plus été prise en compte. Des manifestations de protestation, des marches citoyennes et diverses plaintes soutenues par des organisations nationales telles que le Pesticide Action Network (RAP-Chili, membre du Pesticide Action Network) et le Mouvement pour l’eau et les territoires (MAT) ont vu le jour dans ce territoire touché par l’usine, alors qu’au niveau national, des mobilisations importantes contre Monsanto sont organisées chaque année. Les installations de Monsanto dans d’autres communes du pays telles que Graneros, Ren-go et Lautaro ont également été autorisées sans études environnementales.
Auteur de l’encadré : Lucía Sepúlveda Ruiz, Réseau d’action contre les pesticides RAP-Chili, Plate-forme « Chili meilleur sans le TLC » et campagne « Je ne veux pas de produits transgéniques au Chili ».
[2] Rallt, balance 2018, décembre 2018
[3] Voir , « Le soja en Amérique latine : chance ou cauchemar ? », Inf’OGM, 30 décembre 2019
[4] Bernieri et al. (2018). « Occupational exposure to pesticides and thyroid function in Brazilian soybean farmers », Chemosphere
[5] , « Équateur : un juge ordonne la destruction de soja transgénique », Inf’OGM, 19 mai 2020