Fiche technique / Etat des lieux

2001, l’Odyssée des OGM n’a pas eu lieu

Par Caroline QUAZZO, Christophe NOISETTE

Publié le 31/12/2001, modifié le 05/08/2024

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Au travers de ce dossier nous voulons montrer comment cette année revêt une sorte de paradoxe : celui d’avoir vu une croissance continue des surfaces des cultures transgéniques de par le monde, mais aussi un fort mouvement de freinage (persistance du moratoire européen et édiction de règles de contrôle dans de nombreux pays extra-européens). Par ailleurs, au lobbying du gouvernement américain et des entreprises de biotechnologies sur les organismes gouvernementaux nationaux comme internationaux au nom du développement économique, répond une mobilisation citoyenne

qui s’exprime dans des actions directes contre les cultures transgéniques au nom du principe de précaution

Globalement, les superficies cultivées en OGM ont progressé. Cependant, il faut replacer ces données dans un contexte plus large, qui, au final, permet de nuancer l’irrésistible avancée des OGM dans le monde. D’une part, aux Etats-Unis même, les agriculteurs ont refusé certaines plantes transgéniques comme les betteraves, les pommes de terre, le maïs (dont les surfaces cultivées en OGM ont régressé), et d’autre part, certains pays clefs n’ont pas franchi le cap des autorisations, comme l’Inde et le Brésil, ou n’ont pas retiré les moratoires en vigueur, comme l’Union Européenne… Cependant les nombreuses contaminations, qui confirment les craintes exprimées depuis quelques années par les mouvements environnementalistes, semblent être une manifestation de la politique du « fait accompli ».

La croissance des cultures transgéniques au niveau mondial

Quelques chiffres permettent de bien comprendre l’ampleur du débat actuel : Les surfaces cultivées en organismes génétiquement modifiés ont augmenté de près de 19% l’an dernier dans le monde, d’après les estimations du Service International pour l’Acquisition des Applications Biotechnologiques (ISAAA) (1). Les agriculteurs ont cultivé 52,6 millions d’hectares d’OGM en 2001, soit environ 8,5 millions d’hectares de plus que l’année précédente.

(% par rapport à la superficie totale)

Etats-Unis 35,7 M ha 68 %
Argentine 11,8 M ha 22 %
Canada 3,2 M ha 6 %
Chine 1,5 M ha 3 %

La Chine enregistre la plus forte croissance. L’Indonésie a commercialisé du coton Bt pour la première fois en 2001.

Au niveau des plantes cultivées, le soja reste la plante transgénique la plus répandue. Aux Etats-Unis, par exemple, les deux tiers du soja cultivé en 2001 sont transgéniques (contre 54% en 2000). De même, en Argentine, la presque totalité de la production de soja est transgénique.

(sur la totalité des superficies mondiales)

Soja 33,3 M ha 63 %
Maïs 9,8 M ha 19 %
Coton 6,8 M ha 13 %
Colza 2,7 M ha 5 %

Ce sont donc les mêmes pays, les mêmes plantes et les mêmes modifications génétiques qui dominent depuis quatre ans.

2001, l’année des grandes manœuvres internationales

La crispation des positions antagonistes entre les Etats-unis et l’Union Européenne sur la question des autorisations et de la commercialisation des OGM a conduit à l’accélération des grandes manœuvres au niveau international à travers de nombreuses négociations.

Dans le cadre de la Convention sur la diversité biologique, le protocole biosécurité, dit de Carthagène, qui permet, entre autres, de régler les échanges internationaux d’OGM, avait été adopté début 2000, à Montréal. Fin 2001, 107 pays ont signé ce protocole, mais seulement neuf l’ont ratifié (Bulgarie, République tchèque, Iles Fidji, Lesotho, Nauru, Norvège, Saint Kitts & Nevis,Trinidad & Tobago et Ouganda). Or, il ne pourra entrer en vigueur qu’à partir de la 50ème ratification. 2002 sera-t-elle l’année d’un tel événement ?

En juillet, le Programme des Nations Unies pour le Développement a rendu public son rapport annuel dans lequel il définit les biotechnologies comme le « seul et le meilleur outil » du développement des agricultures des régions défavorisées. Il exhorte ainsi les pays « riches » à « oublier leur crainte des OGM ».De même, fin juillet à Gênes, le G8 a préconisé l’utilisation d’OGM dans la lutte contre la faim. De nombreuses ONG, notamment des Pays du Sud, ont vivement critiqué ces prises de position. Pour elles, rappelant la déclaration de la FAO, la faim dans le monde est liée majoritairement à des conditions socio-économiques.

C’est au niveau européen que le débat législatif en matière d’OGM est sans doute le plus intense. L’Union Européenne cherche à adopter en matière de génie génétique une logique de précaution. Ainsi, dès 1990, elle a mis au point une directive (directive 90/220) afin d’établir un premier cadre législatif sur la dissémination d’OGM dans l’environnement. Cependant, cette directive, devenue obsolète, a dû être révisée, non sans tiraillements entre les industriels, les ONG et les gouvernements. Suite à une procédure de conciliation longue et houleuse, la nouvelle directive a été votée le 23 avril 2001 à l’unanimité (avec deux abstentions : la France et l’Italie). Officiellement inscrite au Journal Officiel des Communautés Européennes, le 17 avril 2001, elle prend le nom de Directive 2001/18/CE. Elle fixe des procédures d’autorisations d’OGM plus strictes, elle limite les autorisations à une durée de 10 ans renouvelable et elle introduit un contrôle obligatoire après la mise sur le marché des OGM. L’autre point fort de cette révision consiste dans l’élimination progressive des marqueurs de résistance aux antibiotiques (à l’horizon 2003 pour la commercialisation et 2006 pour la recherche). Le principal point controversé concernait l’établissement d’un registre des implantations d’OGM accessible au public, ce qui a finalement été accepté. Alors que la Commission estime que cette nouvelle directive, plus rigoureuse, permettrait de mettre fin au moratoire de facto sur les nouvelles autorisations d’OGM (décrété en 1999), six Etats-membres demandent son maintien, tant que des textes sur l’étiquetage et la responsabilité civile ne seront pas formellement adoptés et que la transposition du protocole de Carthagène ne sera pas réalisée. Le 25 juillet 2001, la Commission

Européenne propose deux projets de règlement. Le premier (COM 182) concerne la traçabilité et l’étiquetage des OGM et la traçabilité des produits pour l’alimentation humaine ou animale réalisés à partir d’OGM. Le deuxième (COM 425) porte sur les denrées alimentaires et les aliments génétiquement modifiés pour animaux. Les avancées sont importantes : mise en place d’un système de traçabilité de « la fourche à la fourchette », d’une législation et d’un étiquetage pour l’alimentation animale composée d’OGM, d’un étiquetage exhaustif des denrées alimentaires provenant d’OGM, y compris si le produit final ne présente pas de traces d’ADN modifiées. Cependant, ces règlements ne prennent pas en compte l’étiquetage des enzymes génétiquement modifiées, des produits issus d’animaux nourris avec des OGM (lait, œuf, viande) et des OGM non destinés à l’alimentation. Plus curieux encore, ces projets aboutissent aussi à l’autorisation de la présence accidentelle d’OGM (même non autorisés au niveau européen) dans des aliments. Ces règlements précisent et complètent des lois qui existent depuis 1998. Ces dernières étaient appliquées de facto par les entreprises, même si les contrôles entrepris par les services des fraudes n’étaient pas systématiques. L’Agence Française de Normalisation (AFNOR) n’a présenté son document de référence en matière de détection d’OGM7qu’en août 2001 (norme expérimentale n° V 03-02061).

Pendant les mois de septembre et d’octobre 2001, s’appuyant sur la publication de ces deux projets de règlement qu’elle espérait suffisants, la Commission Européenne a multiplié réunions et pressions pour mettre fin au moratoire de 1999. Cependant, les Etats Membres favorables au maintien du moratoire ont rappelé que tant que ces textes ne seront pas acceptés formellement et mis en œuvre, aucune levée du moratoire n’était possible. Les Etats-Unis n’ont jamais hésité à intervenir dans la politique européenne et à faire pression ouvertement sur la Commission pour qu’elle impose aux Etats-membres la levée du moratoire. D’ailleurs, au cours de cette année 2001, les Etats-Unis ont manifesté, à plusieurs reprises, leur opposition à toute forme de moratoire.

Ainsi, lorsque des pays – tels que le Sri Lanka (lire le Sri Lanka Food Act, la Bolivie (<lire la résolution, la Thaïlande, la Corée du Sud ou encore la Croatie (présentation du projet de loi) – ont voté des moratoires ou des lois sur l’étiquetage, le gouvernement américain a aussitôt exprimé son mécontentement et menacé d’attaquer ces pays devant l’OMC pour atteinte à la liberté du commerce. Si certains pays résistent à ces pressions (Croatie, Corée – cf Inf’OGM n°27), dans d’autres, les Etats-Unis ont été mieux écoutés. Ainsi, au Sri Lanka, le moratoire a été repoussé de trois mois pour permettre aux firmes agroalimentaires de retirer les OGM dans les produits qu’elles exportaient vers ce pays. Quant à la Bolivie, les pressions exercées par l’Argentine, un des rares pays du Sud à avoir adopté largement les OGM, ont eu un réel succès, puisqu’en octobre, le moratoire était annulé. Cependant ces Etats sont soutenus par des ONG internationales, comme les Amis de la Terre, ou Greenpeace8.

Les Etats-Unis, grands exportateurs de produits agricoles, sont directement menacés dans leurs intérêts économiques par ces mesures (moratoire ou étiquetage) qui manifestent une méfiance des consommateurs et des citoyens vis-à-vis de la transgénèse. En effet, le gouvernement américain a fait le « choix » des OGM et cherche à l’imposer. Or, le monde ne semble pas le suivre sur cette question…

Malgré tout, en 2001, les pays d’Europe Centrale et Orientale (PECO) ont légiféré en matière d’OGM. Après avoir été un no man’s land où les entreprises de biotechnologies pouvaient agir en toute impunité, ces pays prennent conscience du risque potentiel de ces technologies et surtout, voulant accéder à l’Union Européenne, mettent en place des législations pour réglementer les OGM (Hongrie, Lettonie, Pologne). Ces législations sont généralement couplées avec une obligation d’étiquetage des OGM, comme pour la République tchèque et la Slovaquie – où elle prendra effet à partir de 2002. En Ukraine, la situation est plus complexe. Ce pays a voté une première loi réglementant la culture et l’utilisation d’OGM ; mais, critiquée notamment par les écologistes et des scientifiques, elle a été annulée. Or, ce pays accueille depuis 1997 des expérimentations en champ d’OGM, hors de tout cadre réglementaire. En outre, sous la pression de la Banque Mondiale et de le Département Américain à l’Agriculture (USDA), en décembre, la loi sur la protection des variétés végétales a été modifiée pour réduire géographiquement et temporellement les tests et certifications pour les semences, y compris génétiquement modifiées.

2001, l’année des contaminations et zones sans OGM

Avant de détailler les cas importants de contaminations qui ont eu lieu cette année, il est important de préciser qu’aucun texte législatif ne permet de dégager des responsabilités claires en cas de dommage par le fait des OGM. La Commission Européenne travaille depuis plusieurs années à l’élaboration d’une directive sur la responsabilité en matière environnementale, mais sa dernière proposition est encore loin d’être satisfaisante pour la société civile. Or, les assureurs, à l’instar d’AXA Assurance, ont d’ores et déjà fait savoir qu’ils n’assureraient pas un tel risque.

A plusieurs reprises, des scientifiques ou des responsables politiques, John Krebs, président de l’Agence Britannique de l’Alimentation, ont mis en avant le manque d’études d’impact des cultures transgéniques. Cependant, quelques études ou cas concrets ont tout de même confirmé certaines craintes, que ce soit l’impact des OGM sur la flore microbienne du sol, la résistance accrue de certains ravageurs ou la capacité de dissémination du pollen transgénique.

Percy Schmeiser a été victime d’une contamination génétique. Il estime que plus de 1500 agriculteurs nord-américains sont dans la même situation. Attaqué en justice par Monsanto pour violation de « droit de propriété intellectuelle », il a été condamné le 29 mars 2001 à payer 15 450 $ à Monsanto. Il a décidé de faire appel.

(lire aussi le dossier publié dans Inf’OGM n°26

– décembre 2001)

Si l’on peut s’attendre, au Canada et aux Etats-Unis – où les superficies cultivées en OGM sont importantes, voire majoritaires dans certains Etats – à l’émergence de tels phénomènes, dans les pays où les OGM sont interdits, les contaminations sont plus surprenantes.

Ainsi, en 2001, une enquête(2),réalisée dans 22 communautés des Etats de Oaxaca et de Puebla (au Mexique) a permis de déterminer que, dans 15 communautés, les variétés locales étaient contaminées par du maïs OGM Bt, importé probablement des Etats-Unis (le niveau de contamination variant entre 3 et 60 %). Pourtant, le Mexique a instauré un moratoire sur la culture de maïs OGM depuis 1998.

Un autre type de contamination peut être évoqué dans les pays du Sud, il s’agit de la « contamination économique ».

En Inde, l’entreprise semencière Navbharat a vendu sans autorisation des semences de coton Bt principalement à des agriculteurs de l’Etat du Gujarat. La présence de ce coton, cultivé sur plus de dix mille hectares, a été découverte par Mahyco, une filiale de Monsanto qui attend une autorisation officielle avant de vendre ses propres semences Bt. Le gouvernement indien a demandé, moyennant indemnisation, la destruction du coton Bt ; mais la majeure partie de la production avait déjà été récoltée et vendue.

Au Brésil, la contamination économique s’apparente plus à un véritable trafic. Dans ce pays, où la culture du soja transgénique est toujours interdite, on retrouve, notamment dans les Etats frontaliers avec l’Argentine, des champs cultivés avec du soja Round Up Ready. Ces semences venues en contrebande d’Argentine ont été achetées par les agriculteurs, non pas car elles augmentent leur rendement, mais surtout parce qu’elles simplifient leur pratique culturale. En effet, avec de telles semences, l’agriculteur peut sans souci faire un ou deux passages de Round Up sur son champ et éviter ainsi les complications liées à l’utilisation de différents herbicides. Les producteurs brésiliens de semences (Associação Brasileira dos Produtores de Sementes – Abrasem) estiment qu’environ 6,3 millions de tonnes de soja produites dans l’Etat du Rio Grande do Sul sont génétiquement modifiées. Cette situation est très préoccupante : le Brésil est l’un des plus grands fournisseurs de soja certifié non transgénique. Ses exportations vers l’Europe ont progressé de 129 % entre 1996 et 1999(3).

Ces derniers cas montrent qu’un moratoire ne devient efficace que s’il est suivi d’une réelle volonté politique impliquant des contrôles stricts et des analyses régulières.

L’autosuffisance en matière de semences pourrait permettre également d’éviter les contaminations. Or, l’Europe importe de nombreux lots de semences, notamment du Canada. Ainsi, que ce soit la Chambre syndicale des entreprises semencières qui, à l’issue d’autocontrôles menés lors de la campagne 2000-2001, situe à 7 % la proportion de lots de maïs conventionnel contaminés, ou l’Agence Française de Sécurité Sanitaire des Aliments (AFSSA) qui, dans un avis remis au gouvernement le 23 juillet 20011, explique qu’elle a découvert des traces d’OGM dans 19 échantillons de semences de colza, de soja et de maïs conventionnelles (sur 112 examinés), tous reconnaissent cette pollution génétique. Certains – en cohérence avec la Commission du Génie Biomoléculaire qui, dans un avis du 3 juillet 20011, précise que « la présence d’OGM dans des semences ou récoltes conventionnelles est une réalité techniquement incontournable » mais ne constitue pas un danger sanitaire ou environnemental – semblent s’en accommoder. D’autres, à l’instar de la Confédération Paysanne, accusent les semenciers et les pouvoirs publics d’imposer de façon rampante les OGM en pratiquant une dissémination volontaire. De même, la Fédération Nationale d’Agriculture Biologique réclame une « reconnaissance de la responsabilité des disséminateurs de gène manipulé, [et la] mise en place de périmètres de protection autour des parcelles biologiques ». Mais quelle distance sera suffisante ?

L’étude sur la faisabilité d’une filière sans OGM, conduite par M. Valceschini(4) (INRA), préconise, entre autres, la régionalisation pour garantir des cultures sans OGM. Plus concrète, l’action initiée en France par ATTAC Loiret, le Mouvement Ecologiste Indépendant et Terre Sacrée, favorise la création au niveau communal de « zones sans OGM ». Plus de 200 communes ont voté des résolutions pour interdire les expérimentations en champ d’OGM sur le territoire communal. Certains préfets ont bien essayé de porter ces délibérations devant les tribunaux administratifs, mais cela n’a pas eu l’effet escompté. Les maires s’organisent et se fédèrent. Seule une dizaine de communes ont annulé la procédure à la première lettre de protestation préfectorale. Ce mouvement fait suite, logiquement, à l’action engagée à l’encontre du Ministère de l’Agriculture par France Nature Environnement et les Amis de la Terre. Le 1er mars 2001, le tribunal administratif de Paris avait donné raison aux associations et condamné le Ministère à communiquer et à mettre régulièrement à jour la liste des communes de France où des expérimentations ont eu lieu. Le site d’information intergouvernemental sur les OGM a été finalement actualisé en janvier 2002.

Les contaminations génétiques se manifestent aussi dans la chaîne alimentaire. En juillet 2001, au Japon, l’entreprise Morinaga & Co a dû retirer des magasins ses snacks « Pote-Long » car des traces de pommes de terre transgéniques non autorisées, à savoir les variétés NewLeaf Plus et NewLeaf Y créées par Monsanto, y ont été découvertes. Pour la même raison, la branche japonaise de Procter & Gamble a annoncé qu’elle rappellerait 800 000 paquets de « Pringles ».

Parfois, les contaminations sont cumulées… comme dans le cas du maïs Starlink18. La diffusion rapide du maïs Starlink s’explique par l’absence de traçabilité et de ségrégation, mais aussi par la pollinisation croisée. En effet, plusieurs agriculteurs n’ont jamais acheté ce maïs mais en ont retrouvé dans leur champ. Le Starlink est un maïs insecticide Bt, développé par Aventis CropScience. Interdit en Europe, ce maïs est autorisé depuis 1998 aux Etats-Unis pour l’alimentation du bétail et la production d’éthanol. Il reste cependant interdit à la consommation humaine car il synthétise la protéine Cry9C, résistante à la dégradation dans les jus gastriques et à la chaleur – deux éléments susceptibles de provoquer des allergies. Découvert en juillet 2000, par le Genetically Engineered Food Alert, dans des « tuiles » nommées Taco Bell Brand Home Original, le maïs Starlink a, en réalité, contaminé plus de 300 produits qui ont dû être retirés des étalages. Concernant l’allergénicité du Starlink, le statu quo domine. En effet, si en juin, le Center for Disease Control d’Atlanta20 déclare que les 17 cas de réactions allergiques supposées, suite à l’ingestion du maïs, ne permettent pas d’établir un lien direct entre la protéine Cry9C et les allergies (télécharger le rapport, d’autres études, notamment celle de Masaharu Kawata (Université de Nagoya, au Japon) contestent la pertinence de ces conclusions. Ce qui est en revanche incontestable, c’est le coût énorme de cette contamination. Ce dernier est évalué entre 100 millions et un milliard de dollars. Cette affaire a notamment eu des répercussions immédiates sur les exportations américaines, notamment vers la Corée, le Japon et l’Europe, qui ont chuté de 39 % durant l’année 2001 par rapport à la moyenne annuelle. Même le Canada se méfie et impose, depuis

septembre 2001, que tous les lots de maïs américains soient garantis sans trace de Starlink.

La contamination « accidentelle » et les rappels des produits qui ont suivi donnent une idée de la rapidité à laquelle les OGM se diffusent. Cette « révélation » des risques de contamination a eu des répercussions importantes aux Etats-Unis. En 2001, l’USDA est revenu ainsi sur sa précédente position et a reconnu l’utilité d’établir une séparation des filières conventionnelles et transgéniques, mettant en place des moyens de contrôle – à la charge de l’exportateur. L’enquête annuelle de l’American Corn Growers Association21 permet d’affirmer que sur 1149 silos, 279 requièrent une ségrégation, 70 la suggèrent fortement. Parmi eux, 206 silos proposent des primes pour du maïs et du soja non-OGM. 

Une pression accrue des consommateurs pour un étiquetage des OGM

En 2001 la demande d’étiquetage concerne de plus en plus de pays. Par exemple, le Nigeria a demandé au Canada et aux Etats-Unis d’étiqueter les produits alimentaires qu’ils lui vendent et contenant des OGM. Ce pays, pour accroître les chances de voir sa demande satisfaite, a lancé un appel auprès du Codex Alimentarius22 pour rendre l’étiquetage obligatoire au niveau mondial. L’Inde s’est jointe à cet appel.

Il est clair que les lois sur l’étiquetage sont en grande partie une réponse à la forte mobilisation de la société civile ou de certains syndicats agricoles. En Pologne, plusieurs campagnes ont été organisées. La dernière a permis la publication d’une brochure (100 000 exemplaires) destinée en priorité aux femmes rurales. La pression citoyenne en matière d’étiquetage prend souvent une forme précise : l’étiquetage sauvage. Notons parmi les cas les plus significatifs, la création de la « patrouille d’étiquetage des OGM » aux Philippines, du groupe LabelThis,aux Etats-Unis, du collectif citoyen « étiquetage volontaire » au Canada. Dans ce pays, la mobilisation citoyenne est constante face aux nombreuses volte-faces gouvernementales qui ont permis à chaque fois de renvoyer aux calendes grecques tout projet de loi sur l’étiquetage. La pression peut aussi prendre la forme de campagnes systématiques et organisées, comme celle menée avec succès par Organic Consumers Association à l’encontre de la société Starbuck. Une semaine après le lancement de la campagne, le président de Starbuck annonçait que son entreprise n’utiliserait plus de lait et de produits laitiers issus de vaches traitées avec l’hormone transgénique de croissance. Parallèlement à ces actions, pour aider le consommateur à boycotter les OGM, Greenpeace propose des listes des produits avec ou sans OGM. Dernièrement, ce sont les Philippins (novembre 2001) et les Canadiens (décembre 2001) qui ont accueilli avec intérêt « un petit guide23 de poche produit pour permettre aux consommateurs de faire des choix éclairés ».

Cette pression des consommateurs a incité un certain nombre d’entreprises et de supermarchés à retirer les OGM de leurs produits. Ce mouvement continue, voire s’amplifie : que ce soit en Grande-Bretagne avec Tesco, Asda et Grampian Country Food Group (qui proposent des produits issus d’animaux nourris sans OGM), en Nouvelle-Zélande avec Heinz-Wattie, aux Etats-Unis avec les raffineries de sucre (qui décident de ne pas utiliser de betterave à sucre transgénique), le supermarché Trader Joe’s, les entreprises agroalimentaires Hershey Foods et Vitasoy USA. Parfois, cette démarche rencontre l’opposition des gouvernements. La brasserie canadienne Unibroue a été attaquée par l’Agence Canadienne d’Inspection des Aliments pour avoir mentionné sur sa bière « certifiée sans OGM ». Mais, le 12 juin 2001, la Cour Supérieure du Québec donnait raison à Unibroue.

En France : le temps des procès et le temps du débat

Si la pression des consommateurs a permis qu’en Europe l’alimentation humaine ne contienne pas trop d’OGM, elle n’a pas été suffisante pour prévenir la contamination de l’alimentation animale, des semences et des récoltes.

2001 a été aussi l’année de l’intensification des actions d’arrachage des cultures transgéniques expérimentales, appelées aussi par leurs promoteurs actions « de décontamination ». Deux idées prédominent : d’une part, les champs d’OGM, même expérimentaux, ne garantissent pas une liberté pour les agriculteurs voisins, surtout s’ils sont certifiés « agriculture biologique ». D’autre part, les champs d’expérimentation français testent à 95% non pas les risques des plantes transgéniques mais leur capacité agronomique. Ainsi, pendant l’été 2001 à l’appel de la Confédération Paysanne laFrance a connu une vague assez importante d’arrachages par des collectifs informels aux noms évocateurs – les limes à grain, les sangliers repus, les preneurs de mal à la racine… Ces actions ont été largement médiatisées. Fin 2001, c’est le temps des procès. Cette situationn’est pourtant pas spécifique à la France, puisque, de telles actions ont eu lieu en Belgique, en Grande-Bretagne, en Inde, en Indonésie, au Brésil. A cesarrachages de champs s’ajoutent parfois des destructions encore plus radicales, comme celle du laboratoireducentre d’horticulture de l’université de Washington.

Ces arrachages ont entraîné une vive polémique en France, notamment à l’occasion du procès de José Bové, René Riesel et Dominique Soulier24 pour la destruction des serres de riz transgénique appartenant au CIRAD25, en 1999. Le procès s’est ouvert en février 2001. Le 20 décembre, la cour d’appel de Montpellier a adouci le verdict du jugement en première instance et a condamné José Bové et René Riesel à 6 mois de prison ferme et Dominique Soulier à 6 mois avec sursis. Bové a décidé de se pourvoir en cassation. Plus fondamentalement, à coup d’articles dans les grands journaux français et de prises de position, c’est un réel débat sur la place de la science dans la société qui a pu s’ouvrir à l’occasion de ces arrachages et procès.

Cette accentuation des actions de défense citoyenne contre les risques maintenant avérés de contamination aura eu finalement deux effets majeurs concomitants mais paradoxaux : d’un côté les leaders de la résistance auxOGM ont été interpellés par la justice pour répondre de leurs actes au nom de la défense des biens privés, d’un autre ils ont aussi été appelés à témoigner dans le cadre des espaces de délibération publique nécessaires au débat citoyen. Ainsi, le gouvernement français a-t-il pris la décision de mettre en place un Comité des Sages chargé d’organiser le débat public sur « les OGM et les essais en champ » au début de l’année 200226.

NOTES

(1), International Service for the Acquisition of Agri-biotech Applications : « organisation américaine sponsorisée par des institutions des secteurs public et privé, ayant pour but l’acquisition et le transfert des méthodes de l’agriculture biotechnologique provenant des pays industrialisés »,



(2), Les résultats de ces enquêtes ont été publiés en octobre 2001 dans la revue Nature (réf. 413, 337).

(3), 2001, soya and oilseed blue book, SoyaTech

(4)Egizio Valceschini, économiste, Systèmes Agraires et Développement, INRA Grignon-Massy-Paris-Versailles

(5),Lire aussi le dossier Inf’OGM (n°18 – mars 2001)

21, http://www.acga.org/news/2001/121801/.htm

22, Codex Alimentarius : programme mixte FAO/OMS créé en 1963 sur les normes alimentaires,

https://www.fao.org/fao-who-codexalimentarius/home/fr/

23, http://www.greenpeacecanada.org/f/guide_ogm/index.html

24, José Bové (porte-parole national de la Confédération Paysanne), René Riesel (ancien membre de la CP), Dominique Soulier (Porte-Parole pour le département de l’Hérault),

http://www.confederationpaysanne.fr

25, CIRAD : « organisme scientifique français spécialisé en recherche agronomique appliquée aux régions chaudes », http://www.cirad.fr

26, http://www.conso.net

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