La loi française sur les OGM
La question des OGM est encadrée, principalement, au niveau européen : évaluation, autorisation, étiquetage. Mais il reste à tous les États membres une marge de manœuvre pour préciser un certain nombre de points : étiquetage des aliments sans OGM, coexistence ou encore information et participation du public dans la prise de décision relative aux OGM. En 2008, la France s’est dotée d’un texte encadrant les OGM. Il s’agit de la loi n°2008-595 du 25 juin 2008 relative aux organismes génétiquement modifiés. Cette loi a été précisée par plusieurs décrets d’application, mais certains sont toujours en attente.
La loi répondait à deux enjeux principaux :
elle permettait de transposer les mesures de la directive communautaire sur les OGM (directive 2001/18) non encore inscrites dans notre droit national, et qui nécessitaient l’adoption d’une loi ;
elle devait permettre de retranscrire pour la première fois les conclusions du Grenelle.
Tel qu’adopté par le Parlement, le texte est divisé en 21 articles. L’article 2 définit les grands principes qui régissent l’ensemble du texte : parmi ces principes, une évaluation et une expertise préalable, indépendante, transparente, pluridisciplinaire et impartiale, les principes de précaution, de prévention, d’information et de participation du public, la liberté de produire et de consommer avec ou sans OGM, et la protection des structures agraires, des écosystèmes locaux et des filières qualifiées « sans OGM ». Or, pour intéressants qu’ils soient, ces principes ne sont pas nécessairement déclinés dans le reste du texte, introduisant incertitudes et incohérences.
La question du « Sans OGM »
Les moments forts du débat parlementaire se sont concentrés sur cette notion. L’article 2 pose le principe de “la liberté de produire et de consommer avec ou sans OGM”. Avec l’adoption surprise d’un amendement du député communiste André Chassaigne prévoyant que “les organismes génétiquement modifiés ne peuvent être cultivés, commercialisés ou utilisés que dans le respect […] des filières de production et commerciales qualifiées de ’sans organismes génétiquement modifiés’”, le Parlement a permis dans un premier temps de faire pencher la balance en faveur de la garantie du “sans OGM”. Mais dans le but de limiter la portée de cet amendement, un arbitrage présidentiel a conduit à l’adoption d’un sous-amendement qui précise que “la définition du ’sans organismes génétiquement modifiés’ se comprend nécessairement par référence à la définition communautaire. Dans l’attente d’une définition au niveau européen, le seuil correspondant sera fixé par voie réglementaire, sur avis du Haut conseil des biotechnologies, espèce par espèce”.
C’est en 2012, que le « sans OGM » a été finalement défini. Il permet désormais aux producteurs de valoriser leurs produits par l’utilisation d’un étiquetage sans OGM (cf Etiquetage et information du public, y compris pour les produits issus d’animaux nourris sans OGM.
Quel organe d’évaluation des OGM ?
Auparavant, il existait deux organes nationaux d’évaluation des OGM : la Commission du génie génétique (CGG), en charge de l’utilisation confinée des OGM, et la Commission du génie biomoléculaire (CGB), en charge d’évaluer les risques liés à la dissémination volontaire des OGM dans l’environnement. La loi fusionne les deux en créant le Haut Conseil des Biotechologies (article 3).
Le Haut conseil est chargé d’éclairer le gouvernement sur toutes questions concernant les OGM et de formuler des avis en matière d’évaluation des risques pour l’environnement et la santé.
Il est divisé en deux comités : un comité scientifique qui rend des avis et un comité économique, éthique et social, qui rend des recommandations sur les avis scientifiques qui lui seront soumis.
Le comité scientifique est composé de spécialistes du génie génétique, de la protection de la santé publique, des sciences agronomiques, des sciences appliquées à l’environnement, du droit, de l’économie et de la sociologie. Une plus grande pluridisciplinarité a donc été décidée.
Quant au comité économique, éthique et social, il est composé de représentants d’association de protection de l’environnement, d’organisations professionnelles, d’un membre du Comité consultatif national d’éthique pour les sciences de la vie et de la santé, de deux parlementaires, et, nouveauté, de représentants des associations de collectivités territoriales.
Son fonctionnement a été précisé par le décret n°2008-1273 du 5 décembre 2008.
Des règles de coexistence encore à définir…
La loi vise à créer pour la première fois des règles contraignantes de coexistence des cultures (article 6). Ces règles seront définies par décret mais la loi a d’ores et déjà prévu leur champ d’application : “la mise en culture, la récolte, le stockage et le transport” des OGM Elles concerneront donc la seule production agricole des OGM (le conditionnement, la transformation, la distribution ne sont pas visés). Leur objectif sera “d’éviter la présence accidentelle d’OGM dans d’autres productions”.
Or, cet objectif est revu à la baisse trois lignes plus loin pour les distances, puisque ces dernières devront permettre “que la présence accidentelle [d’OGM] dans d’autres productions soit inférieure au seuil établi par la réglementation communautaire”. La référence à “un seuil communautaire” établit une confusion : s’il existe un seuil européen d’étiquetage des OGM, il n’existe aucun seuil de contamination des autres produits. Cette dernière disposition promet donc de donner lieu à contentieux lors de la publication des décrets définissant les distances.
Une proposition d’arrêté avait été notifiée à la Commission européenne en janvier 2012, mais n’a jamais fait l’objet de publication au journal officiel : les élections présidentielles et le changement de majorité intervenus entre temps ont mis en attente l’entrée en vigueur effective de ce texte. A ce jour, il n’y a donc toujours pas de règles de coexistence en France. Des mesures plus contraignantes pourront être mises en place dans les parcs naturels et pour les AOC.
Tout d’abord, les parcs naturels régionaux et nationaux ont la possibilité d’exclure la culture d’OGM sur “tout ou partie de leur territoire”, “avec l’accord unanime des exploitants agricoles concernés”, et “sous réserve que cette possibilité soit prévue dans la charte” (article 4). Des conditions cumulatives difficiles à rassembler…
D’autre part, la loi donne la possibilité aux organismes de défense des signes de qualité (labels rouges, agriculture biologique, AOC, IGP) ou à l’INAO, de demander à l’administration la mise en place des “mesures particulières de renforcement de la protection concernant les OGM” lorsque cela est “nécessaire à la protection” (article 5).
Une responsabilité restrictive et déséquilibrée
La loi crée pour la première fois un régime de responsabilité spéciale du préjudice causé par une culture de PGM à une autre culture (article 8 de la loi). Il s’agit d’une responsabilité sans faute, c’est-à-dire que la responsabilité du cultivateur de PGM pourra être engagée même s’il a correctement respecté les règles de coexistence contenues dans la loi.
Plusieurs conditions doivent être réunies pour que cette responsabilité puisse être mise en œuvre. La présence d’OGM issue de la contamination doit obliger la personne contaminée à étiqueter sa récolte comme contenant des OGM : la contamination doit donc être supérieure au seuil communautaire d’étiquetage de 0,9%.
La contamination doit être issue d’une culture d’OGM autorisée à la mise sur le marché. Cela ne concerne donc pas les contaminations issues d’essais en plein champ. Elle doit être issue d’une parcelle “située à proximité » cultivée “au cours de la même campagne de production”.
Conception très restrictive du préjudice réparable
L’exploitant contaminé ne pourra obtenir réparation que du préjudice économique résultant de la différence de prix entre la récolte “présentant des caractéristiques identiques” non étiquetée GM et le prix de la récolte étiquetée GM. Par ailleurs, la réparation (financière ou en nature par l’échange de récolte) n’est envisagée que sous l’angle économique : le projet de loi occulte totalement la réparation du préjudice moral, de l’atteinte à l’image de marque et des frais engagés par les filières de qualité pour effectuer les contrôles.
Transparence contre délit de fauchage
La loi prévoit la création d’un registre indiquant la localisation parcellaire des cultures, dont la publication sera assurée par les préfectures, sur internet notamment (article 10). D’autre part, les agriculteurs souhaitant cultiver des OGM devront informer, “préalablement aux semis”, les propriétaires des parcelles « entourant les cultures » GM (article 10). Deux formulations pour le moins imprécises… Le Sénat a concédé cette disposition contre la mise en place d’un « délit de fauchage” (article 7) qui aggrave les peines d’amendes, surtout lorsque le champ fauché est un essai (3 ans d’emprisonnement et 150 000 euro d’amende).
L’étiquetage des lots de semences contenant des OGM
L’article 21, le dernier de la loi, prévoit un étiquetage obligatoire des lots de semences lesquels doivent porter la mention « contient des organismes génétiquement modifiés ». Cet étiquetage n’est pas applicable « aux traces accidentelles ou techniquement inévitables présentes au-dessous d’un certain seuil ».
Le décret [1] qui devait fixer un seuil “espèce végétale par espèce végétale » n’a jamais été adopté. Élaboré en 2012, le texte n’a jamais été publié suite à l’alternance politique de la même année.