Fiche technique / Etat des lieux

PGM en 2005 : les cultures du secret

Par Christophe NOISETTE

Publié le 31/12/2005, modifié le 10/07/2024

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Un peu plus de cultures transgéniques dans le monde (+11%), certes, mais ce sont toujours les mêmes pays et les mêmes variétés qui sont concernés… Les législations évoluent peu et les cadres réglementaires mis en place dans les pays du Sud sont relativement lacunaires. Alors le débat s’enlise-t-il ? Au contraire, il n’a jamais été aussi important… Que ce soit les collectivités territoriales qui réclament le droit de décider de la présence de PGM sur leur territoire, les polémiques autour des dossiers d’autorisation, le coton en Inde, partout les acteurs – autorités, industrie, société civile – affinent leur stratégie et la presse internationale n’en finit pas d’évoquer cette question, toujours aussi complexe… Alors, concrètement, que s’est-il passé en 2005 ?

En 2005, la tendance générale qu’expriment les sondages reste globalement opposée aux PGM. Ainsi, en Thaïlande [1], 71% des agriculteurs et 91% des consommateurs n’ont pas confiance dans les PGM ; en Nouvelle-Zélande [2], 74,5% des 500 sondés sont favorables à une filière alimentaire sans PGM ; en Allemagne [3], 79% des citoyens s’opposent à l’utilisation d’ingrédients GM [4] ; en Pologne [5], 76% des Polonais ne souhaitent pas une alimentation issue d’OGM, etc. Et selon l’Eurobaromètre consacré à “l’Attitude des citoyens européens vis-à-vis de l’environnement” [6], réalisé après de 25 000 européens et publié en avril 2005, 24% des citoyens de l’UE mettent parmi les cinq premières préoccupations environnementales les PGM et 40% d’entre eux souhaitent être plus informés. Quel sens cela a-t-il de parler de l’intérêt d’une population à une technologie si cette dernière reste méconnue ? Or, avec des financements publics, le Food Policy Institute [7] a interrogé 1200 états-uniens sur les OGM et les résultats sont plus que surprenants. La plupart d’entre eux se déclarent intéressés par le génie génétique et avoir une opinion à son sujet, pourtant seulement 48% savent que de tels produits sont commercialisés et 31% qu’ils en consomment régulièrement. Or, même parmi ceux qui se déclarent informés, la plupart ont des connaissances confuses : 70% estiment impossible de transférer un gène d’origine animal dans une plante. Si aux Etats-Unis la population ignore la réalité des OGM, que peut-on dire de pays où le taux d’alphabétisme et l’accès aux médias est moindre ? Combien de pays et de paysans ont adopté les PGM en connaissance de cause ?

Des chiffres à mettre en perspective

Or si on lit le rapport de l’ISAAA – qui a pour but de développer les PGM dans les pays en développement et qui recense les cultures transgéniques au niveau mondial -, on a l’impression que l’engouement pour les PGM est réel, explicite et volontaire. Les Nations unies devraient proposer leurs propres statistiques. D’après l’ISAAA, les cultures transgéniques – l’ISAAA parle de “plantes biotechnologiques”, expression plus douce, plus neutre – ont progressé de 11% en 2005 par rapport à 2004, afin d’atteindre une superficie mondiale de 90 millions d’hectares (contre 81 M en 2004, cf. tableau ci-dessous). Le rapport commence en affirmant qu’ “en 2005, le milliardième acre, soit le 400 millionièmes hectares de plantes biotechnologiques a été planté”. Ce chiffre est la somme cumulée des différentes surfaces annuelles des dix années de cultures GM. Il n’a aucun sens mais permet de marquer magiquement “le milliard”… L’ISAAA précise que cette superficie cumulée correspond à “presque la moitié de la superficie agricole totale des Etats-Unis ou de la Chine ou vingt fois la superficie agricole du Royaume-Uni”, chiffre sans doute censé marquer les esprits…

En 2005, ce sont toujours les pays américains – Etats-Unis, Argentine, Brésil, Canada – qui cultivent le plus de PGM. Ensemble, ils totalisent 82,1 millions d’hectares, soit 91,2% des surfaces mondiales, un constat que l’ISAAA ne retient pas…

A propos de l’Inde, Inf’OGM avait questionné des chiffres donnés par Reuters [8]. En effet, le 11 août 2005, l’agence de presse affirmait qu’en Inde, les surfaces de cultures de coton transgénique représentaient 90% des surfaces totales dans l’état du Gujarat, 75% dans l’état du Maharashtra et 60% dans le Nord de l’Inde. Rapprochés des chiffres gouvernementaux, ces chiffres amènent à considérer que, selon Reuters, il y aurait trois fois plus de coton Bt cultivé dans ces deux Etats que dans l’ensemble de l’Inde. On voit bien qu’en l’absence d’un observatoire mondial indépendant, il est très difficile de déterminer les superficies agricoles réellement cultivées avec des PGM.

En termes de variétés, le soja reste en tête (54,4 Mha), suivi du maïs (21,2 Mha), du coton (9,8 Mha) et du colza (4,6 Mha) ; en termes de transgènes, la tolérance aux herbicides est le principal caractère (71%), suivi par la résistance aux insectes (plantes Bt, 18%). 11% des PGM cultivées possèdent les deux caractéristiques.

Dernière information mise en avant : 8,5 millions de fermiers (8,25 M en 2004, soit une progression de 3%, chiffre que l’ISAAA ne calcule pas) cultivent des OGM, dont 90% sont des “petits fermiers à faibles ressources des pays en voie de développement”. Si on compare ce chiffre à la population agricole active mondiale (d’après les chiffres de la FAO7) – à savoir 1,3473 milliard de personnes, les cultivateurs de PGM ne représentent que 0,63% de cette population. Et la notion de petits paysans serait sérieusement à questionner.


Surface transgénique comparée à la surface agricole totale : 1,8%

Pays 2004* 2005* Progression Surface agri** Rapport
Etats-Unis 47,6 (58,8) 49,8 (55,3) +4,6% 411,2 12,1%
Argentine 16,2 (20,0) 17,1 (19,0) +5,5% 177 9,7%
Canada 5,4 (6,7) 5,8 (6,4) +7,4% 74,9 7,7%
Brésil 5 (6,2) 9,4 (10,4) +88% 263,5 3,6%
Chine 3,7 (4,6) 3,3 (3,6) -10,8% 554,4 0,6%
Paraguay 1,2 (1,5) 1,8 (2,0) +50% 24,8 7,3%
Inde 0,5 (0,6) 1,3 (1,4) +160% 180,8 0,7%
Autres 1,4 (1,7) 1,5 (1,7) +7,1%
TOTAL 81 (100) 90 (100) +11% 5016,7 (1,8) 1,8%

Tous les chiffres sont donnés en millions d’ha

Elaboration Inf’OGM, à partir des chiffres ISAAA* et FAO**


L’ISAAA note quatre nouveaux pays, par rapport à 2004 : la France (700 ha de maïs alors que le Ministère de l’Agriculture en reconnaît seulement 493 ha), le Portugal (750 ha de maïs), la République Tchèque (150 ha de maïs) et l’Iran (2000 ha de riz). La France et le Portugal sont des “faux nouveaux”, ils avaient déjà cultivé de façon infime des OGM avant le moratoire de 1999.

Concernant l’Iran, une enquête d’Inf’OGM, en lien avec le Centre for Sustainable Development & Environment (CENESTA), organisation basée en Iran, met en doute les données de l’ISAAA. Le CENESTA affirme : “Pour chaque article publié dans la presse iranienne affirmant que du riz Bt a été adopté, cultivé et commercialisé, un autre article affirme exactement le contraire. Le dernier article publié sur le sujet cite le nouveau Ministre de l’Agriculture et Directeur de the Agricultural Research and Extension Organisation, organisation parente du Karaj Institute qui est censé mener des essais sur le riz GM, qui affirme que le riz n’a pas encore été commercialisé ni n’a reçu d’autorisation de biosécurité”. Et il précise qu’ “aucun rapport sur le riz n’est disponible au Centre d’échange pour la prévention des risques biotechnologiques (BCH)”, lequel dépend du Protocole de Cartagena.

Concernant la France, les cultures d’environ 1000 hectares de maïs transgénique dans le sud ouest français (selon le Figaro, 6 septembre 2005) sont réalisées dans le secret, mais sont en partie légale – puisque la France n’a pas transposé la directive 2001/18. Le Ministère affirmait le 6 septembre que 492,8 ha ont été ensemencés avec du maïs GM, en majorité MON810 (Monsanto), dans 12 départements dont 5 dans le sud-ouest, et précisait qu’il s’agit de programmes d’évaluation des conditions de culture de l’Association générale des producteurs de maïs (20%), de productions de semence (40%) et de cultures commerciales. Par comparaison, en 1998, 1500 ha de maïs GM avaient été mis en culture. Ces cultures ont été “déclarées sur une base volontaire par les opérateurs au ministère de l’agriculture”. La directive 2001/18 obligeant à la transparence n’étant pas transposée en France, le Ministère a conservé cette information secrète puisque “en l’état actuel du droit interne, aucune obligation de déclaration aux services de l’Etat n’est par ailleurs requise”. Les agriculteurs auraient acheté leurs semences en Espagne et prévoient d’y vendre leur production pour la filière animale. Selon F. Hervieu (Ministère de l’agriculture), une surveillance incomplète des parcelles déclarées est effectuée, faute de moyens. France Nature Environnement (FNE) a envoyé, le 5 octobre 2005, deux recours gracieux au gouvernement pour obtenir la publication des surfaces plantées en PGM, la communication des déclarations volontaires de cultures GM dont fait état le ministère et la création du registre “sans attendre l’adoption définitive d’une loi de transposition de la directive”. Or, comme nous l’apprenait récemment Arnaud Gossement, avocat de FNE, “Nelly Ollin précise qu’il n’y a pas de registre mais que la future loi garantira le droit à l’information du public. C’est donc un refus”. Concernant le recours sur les déclarations volontaires, FNE n’a jamais reçu de réponse.

En Espagne, les surfaces consacrées au maïs transgénique ont encore augmenté cette année, atteignant 70 à 80 000 hectares. Cependant, d’après le témoignage d’un des responsables de la Coordinadora anti-transgénicos de Aragón, certains agriculteurs, entourés de parcelles cultivées en maïs GM, se sont sentis obligés d’en cultiver pour anticiper les contaminations et leur conséquence économique. Il cite d’ailleurs le cas d’un agriculteur biologique, du village aragonais de Sariñena qui a perdu l’année passée le bénéfice d’une sélection pluriannuelle sur une variété de maïs rouge, suite à une contamination par du maïs Bt. Sa variété a été testée et est contaminée à hauteur de 34% par des gènes Bt. Et cette année encore, trois autres variétés locales de maïs ont été perdues suite à des contaminations. Et de conclure qu’en 2006, quasiment aucun agriculteur biologique ne cultivera du maïs (en Aragon) par peur des contaminations.

Rien de nouveau sous le soleil des variétés

Pour les variétés autorisées en 2005, les deux grandes “espérances” des entreprises de biotechnologies n’ont toujours pas été satisfaites. En effet, ni le blé GM, ni le riz GM – avec le hiatus évoqué plus haut sur l’Iran – n’ont été cultivés commercialement et légalement dans le monde. Des études suggèrent que l’introduction de blé tolérant au roundup entraînerait des pertes économiques de 94 à 272 millions de dollars selon le Conseil des Organisations de l’Ouest pour les Ressources (WORC) [9]. D’autre part, les Italiens, grands consommateurs de blé au monde, via les entreprises de pâtes alimentaires, opèrent un lobbying intense envers les producteurs de blé nord-américains. Concernant le riz, malgré plusieurs annonces et une vente illégale (cf. encadré ci-dessous), la Chine n’a toujours pas autorisé le riz GM. En effet, le Comité gouvernemental chinois sur la biosécurité n’a pas réussi à s’accorder quant à l’innocuité de quatre variétés de riz GM, différant ainsi leur production commerciale. Notons cependant qu’un riz transgénique (Aventis CropScience) a été autorisé à la culture commerciale aux Etats-Unis depuis 1999, mais il n’existe aucune trace de sa mise en culture…

Cependant, de nouveaux événements de transformation de maïs, de colza, de soja ou de coton ont été autorisés commercialement. Pour l’UE, cependant, aucune nouvelle autorisation à la culture n’a été donnée en 2005 (cf. tableau ci-dessous). Le 2 décembre 2005, les ministres européens de l’Environnement n’ont pu trancher la question de l’importation du maïs GM de Monsanto, hybride MON863 /MON810 [10]. En janvier 2006, c’est donc la Commission européenne qui l’a autorisé.


Autorisations européennes en 2005

Date OGM autorisé Décision prise par… Pour… Antécédent Pays pour Pays contre
8 août Maïs Mon863 résistant à la chrysomèle

(Monsanto)
Commission européenne (CE) alimentation animale, importation et transformation industrielle Absence de consensus lors du Conseil des Ministre de l’agriculture, juin 2005  ? 14
3 nov Maïs TC 1507 (Pioneer) CE idem idem, le 21 septembre 2005 9 11
31 août Colza GT 73 tolérant le roundup (Monsanto) CE idem idem, le 20 décembre 2004 6 13

Elaboration Inf’OGM


Quelques miettes de moratoire

En Europe, l’absence de consensus entre les Etats n’est pas systématique. Les deux propositions de la Commission européenne, sur les clauses de sauvegarde et les moratoires nationaux, ont en effet été rejetées par la majorité des Etats membres.

Ainsi le 24 juin 2005, le Conseil des Ministres de l’Environnement a rejeté la proposition de la Commission d’obliger les Etats membres à lever leurs embargos, basés sur la clause de sauvegarde de la Directive 2001/18, sur certaines PGM (maïs T25 et MON810 interdits par l’Autriche, maïs Bt 176 par l’Autriche, l’Allemagne et le Luxembourg, colza MS1xRF1 par la France et colza-Topaz 19/2 par la France et la Grèce) [11].

Par ailleurs, début 2005, la Grèce, la Pologne et la Hongrie ont interdit l’utilisation des 17 variétés de maïs Mon810 (inscrites au catalogue européen des variétés en 2004) [12]. La Grèce et la Pologne ont utilisé la clause de sauvegarde de la législation sur les semences (art. 18, Directive 2002/53). Début janvier 2006, la Commission a ordonné la levée de l’interdiction grecque. Auparavant, elle avait pourtant accepté l’interdiction de 16 des 17 variétés de MON810 pour la Pologne. Le cas de la Hongrie est le plus intéressant puisque l’interdiction s’appuie sur l’article 23 de la Directive 2001/18, ce qui signifie qu’ils ont interdit l’OGM lui-même. De manière peu surprenante, l’EFSA, l’agence européenne de sécurité sanitaire, a jugé que l’interdiction n’était pas justifiée scientifiquement. Mais pas de nouvelle pour l’instant du côté de la Commission.

En matière de moratoire, la décision la plus importante est sans doute celle prise par les citoyens suisses, le 27 novembre 2005. Ils ont voté à 56% pour que “l’agriculture suisse n’utilise pas d’OGM pendant cinq ans” [13]. A noter que c’est la première fois qu’une initiative populaire est acceptée dans tous les cantons. Le débat qui a précédé le vote fut extrêmement nourri, et la communauté scientifique s’est divisée à son propos.

De façon moins importante, en mars 2005, la Bulgarie a décrété un moratoire partiel, interdisant la vente et la culture de tabac, vigne, coton, blé, légumes et arbres fruitiers transgéniques, mais le maïs GM, potentiellement la seule culture transgénique présente en Bulgarie ne fait pas l’objet d’une interdiction [14]. Cependant, la loi impose des “zones tampons”, entre champs GM et zones protégées, de 30 km, ce qui rend de fait le pays entièrement “zone sans OGM”.

Et en juin 2005, aux Philippines, les autorités municipales de la Province de Cotabato-Sud ont proclamé un moratoire sur l’importation, la vente et la culture d’OGM [15].


Les contaminations en 2005

Transports, cultures, essais en champs : les sources de la contamination génétique sont nombreuses…

EUROPE – Du maïs Bt10 a été importé en Europe à partir des Etats-Unis alors que ce maïs est interdit dans l’UE. Le 18 avril 2005, l’UE avait exigé que les exportations américaines de gluten de maïs et de graines de brasseur soient accompagnées d’un certificat attestant l’absence de Bt10. La Commission européenne a alors reconnu que depuis 2001 un millier de tonnes de maïs GM Bt10 avait été importé dans l’UE, sous forme de denrées alimentaires et d’aliments pour animaux. Les produits en question étaient étiquetés Bt 11, OGM de Syngenta autorisé dans l’UE. Le 21 mars 2005, Syngenta a reconnu que l’erreur avait aussi eu lieu aux Etats-Unis où ce maïs a été planté pendant quatre ans sans être autorisé à la culture, action pour laquelle la firme s’est vue infliger une amende par la justice américaine de 280 000 euro. Le Japon a lui aussi été victime de cette contamination, avec au moins six navires contenant du maïs Bt10 découverts suite au programme de détection systématique.

ALLEMAGNE – Seminis Vegetable Seeds, entreprise rachetée par Monsanto en 2004, a reconnu que des courgettes transgéniques “Judgement III” résistantes à trois virus ont été illégalement mises en culture en Allemagne. Ces courgettes ne sont autorisées ni pour la commercialisation ni pour des essais en champs dans l’UE.

CHINE – Greenpeace a découvert en juin 2005 du riz GM en vente de façon illégale chez des grossistes de Guangzhou, au sud du pays. Cette nouvelle preuve d’une contamination a été révélée seulement quelques semaines après que l’ONG ait démontré que du riz transgénique était cultivé dans la province d’Hubei. Malgré leur déclaration, les officiels n’ont jusqu’à présent entrepris aucune investigation afin de déterminer l’origine de la contamination. Greenpeace estime que plus de 29 tonnes de semences de riz OGM ont été vendues à Hubei cette année et si aucune action n’est entreprise, ces semences produiront 14 500 tonnes de riz GM. Cette information a été validée par les services de la Protection de l’Environnement. En mai, le gouvernement a interdit au média de traiter de cette contamination.

JAPON – Le 14 février 2005, le Ministère de l’Environnement a reconnu que du colza transgénique, résistant à un herbicide, avait été retrouvé dans onze lieux autour de ports tels que Kobe, Chiba, Nagoya, Kajima et Yokkaichi. Les semences incriminées sont tombées des containers lors des déchargements. Ce colza a ensuite été retrouvé jusqu’à 30 km du port de Kashima. Par ces ports transite le colza GM importé du Canada.

THAILANDE – Des papayes transgéniques ont été de nouveau découvertes dans le nord est du pays, alors que le gouvernement affirmait que toutes avaient été détruites. Les agriculteurs avaient reçu en 2004 des semences de papayes contaminées du Centre de Recherche de Khon Kaen.

AUSTRALIE – Un silo de colza conventionnel a été contaminé par du colza transgénique (variété Topaz 19/2), a révélé ABB Grain, en août 2005. Le colza contaminant avait été testé en champ en 1997 par Bayer en Tasmanie. C’est la troisième contamination avec du colza Topaz 19/2 en quelques mois, après celles des Etats de Victoria et d’Australie de l’Ouest.

Quelle coexistence en Europe ?

Le cadre législatif européen devait être complété par des réglementations sur la coexistence, la responsabilité et les semences. La Commission en 2004 avait décidé de renvoyer le dossier coexistence aux Etats membres. Elle n’a toujours rien proposé sur la responsabilité, question que les Etats membres incluent en général dans leur loi sur la coexistence… On va se retrouver avec une mosaïque de législations, très différentes dans l’esprit et les faits, alors que la Commission refuse cette liberté nationale ou régionale pour se déclarer “zone sans OGM”. Ce hiatus que nous avions soulevé l’année dernière semble donc s’installer durablement. Certains militants anti-OGM considèrent cette disparité comme positive, car elle complexifie le travail juridique des semenciers.

La discussion sur la coexistence, laissée aux Etats, n’a pas beaucoup avancé. L’UE a toutefois mis en place un programme de travail, nommé CoExtra [16], consacré à la CO-EXistence et la TRAçabilité des filières OGM et non-OGM et doté d’un budget de 13,5 millions d’euro sur une période de quatre ans.

De son côté, l’AGPM (Assemblée Générale des Producteurs de Maïs, France), qui a participé activement à l’ensemencement des parcelles de PGM dans le sud ouest français, a proposé un cadre de coexistence. Le Programme Opérationnel d’Evaluation des Cultures issues des Biotechnologies (POECB) [17] conclut à la possibilité, sous condition, de cultiver et transformer des maïs GM et non-GM avec un taux de contamination inférieur à 0,9%, comme l’indique la législation européenne mais qui, elle, parle de “contamination fortuite ou techniquement inévitable”. Le but de cette étude était d’établir ce qui est économiquement réalisable, transformant le seuil de 0,9% en objectif. Ce ne sont donc pas des réelles méthodes de coexistence, capables d’éviter les contaminations, mais des techniques pour obtenir des lots non étiquetables.

Au niveau législatif, l’Espagne a présenté, en juillet 2005, une proposition de décret royal sur la coexistence qui sera sans doute adopté en 2006 [18]. Trois autres Régions, dont la Catalogne, ont aussi les compétences pour présenter leur propre décret. Les mesures que doivent respecter les agriculteurs sont peu nombreuses : séparer les champs GM et non GM de 50 mètres, étiqueter les premiers 2000 m2 de maïs conventionnels récoltés après du maïs GM… Une amende de 300 000 euro est prévue en cas de non respect. Les entreprises semencières devront notifier par écrit tous les détails concernant les ventes de semences en cohérence avec le règlement 1830/2003 sur la traçabilité, faute de quoi elles pourront être mises à l’amende (300 000 euro). Par ailleurs, Greenpeace Espagne précisait, en janvier 2006, qu’au niveau des silos aucune ségrégation des filières GM et non GM n’était réalisée. Ceci n’incite donc pas les agriculteurs à respecter ces mesures.

Au Portugal, un décret provisoire prévoit une distance de 200 m entre les cultures de maïs GM et non GM et de 300 m entre le maïs GM et bio. Des zones tampons peuvent remplacer ces distances.

En République tchèque, la distance obligatoire entre maïs Bt et maïs non GM est de 100 m (ou 50 m et 6 rangées tampon) et 600 m entre maïs Bt et maïs bio (ou 300 m et 6 rangées tampons). Ces règles doivent être revues à court terme dans un nouveau décret.

En Allemagne, des éléments de loi ont déjà été votés, mais les élections de fin 2005, vont changer la perspective. En effet, la première version de la loi coexistence était assez stricte. Mais les libéraux et les conservateurs ont annoncé qu’ils allaient réviser cette loi afin de limiter l’accès au registre public, supprimer la clause de responsabilité et la remplacer par un “fonds de compensation”, supprimer la “protection des zones écologiquement sensibles” et supprimer l’interdiction des OGM sur la base d’une coexistence impossible… Ces changements feront que l’agriculteur qui pollue les champs de son voisin ne pourra être porté responsable que si l’on peut prouver sa faute personnelle. Dans les autres cas, c’est un fonds de responsabilité qui réglera les dommages.

Le 20 décembre 2005, la France et l’Allemagne ont reçu de la Commission européenne les derniers avertissements écrits pour ne pas s’être conformées à des arrêts rendus par la Cour de justice européenne (CJCE) en 2004 concernant la non transposition de la directive 2001/18 alors qu’elle aurait dû l’être pour le 17 octobre 2002.

Le projet de loi français, piloté par le Ministère de la Recherche, sera présenté au Conseil d’Etat le 2 février 2006 et au Conseil des Ministres, le 8 février 2006.

Les “zones sans OGM” se disséminent

Certains Etats et régions qui veulent se protéger des OGM se déclarent “zone sans OGM” ou votent un moratoire. Or l’UE n’accepte pas ces décisions décentralisées et intervient, par le biais de la CJCE afin de bloquer le processus. En 2003, la région de Haute-Autriche avait voulu interdire les PGM sur son territoire. En octobre 2005, la CJCE confirmait l’avis de la Commission européenne qui avait alors mis un veto à la loi haute-autrichienne [19].

Comme le rappelle Monica Frassoni, coprésidente du groupe parlementaire Verts/ALE, “164 régions, provinces et départements d’Europe se sont déclarés zones sans OGM”, soit pratiquement la totalité des territoires autrichien, français, grec, italien et polonais [20]. L’Association des Régions d’Europe réclame aussi un “partage des pouvoirs” pour les cultures de PGM.

En Irlande du Nord et du Sud, les opposants aux OGM précisaient, en mai 2005, que 1000 zones s’étaient déclarées sans OGM : agriculteurs, hôtels, restaurants, supermarchés, producteurs, etc. Des conseils municipaux comme celui de la ville de Dublin et ceux du comté sud de Dublin, de Clonakilty, Derry, Mourne, Navan, Newry ont également adopté des arrêtés anti-OGM [21]

Suivant les degrés de compétences des Régions dans les différents Etats membres, la question de la légalité se pose quand on évoque la notion de “zone sans OGM”. Si l’Autriche et l’Italie reconnaissent cette compétence aux régions, il n’en va pas de même en France. Le cas du Gers est éloquent : le Conseil Général du Gers avait voulu utiliser la voie démocratique, en organisant un référendum “sur le bien-fondé d’une interdiction de culture et d’essais d’OGM”. Or cette initiative, permise par la loi sur certains sujets, a été annulée par le jugement du tribunal administratif de Pau qui, le 27 septembre, a considéré que l’organisation de ce référendum constituait “une mesure de police qui n’entre pas dans les compétences du Conseil Général” [22].

Enfin, pour conclure ce chapitre, il est important de noter que des régions, des comtés ou des communes se sont déclarés “zone sans OGM” dans d’autres pays hors UE, comme au Costa Rica, en Colombie, en Argentine, aux Etats-Unis, en Australie… Aux Etats-Unis, le débat a été très virulent, car plusieurs comtés californiens ont décidé de soumettre cette décision au vote. Mais les pressions sont fortes, comme le prouve le projet de loi, déposé par le sénateur démocrate Dean Florez, qui donnerait à l’Etat Californien seul le droit de réguler les cultures et les semences. En tout 16 Etats ont introduit ou voté des lois qui interdiraient aux instances locales le droit de décider en matière de semences et de cultures.

Cette année encore de nombreux cas de contamination ont été mis à jour et cela dans des contextes divers, démontrant une impossibilité à garantir des doubles filières GM et non GM étanches (cf. encadré ci-dessus).

En matière de contamination, il est toujours intéressant de regarder comment se passe la cohabitation dans des pays où les cultures de PGM sont importantes. Le Canada est un exemple notoire : 950 agriculteurs bio de la province de la Saskatchewan ont engagé en janvier 2002 un recours collectif contre Monsanto et Bayer CropScience [23]. Les paysans demandaient un dédommagement pour des pertes de recettes dues à la contamination de leurs récoltes de colza par des variétés GM. Le 11 mai 2005, la Juge Smith jugeait non recevable la plainte estimant l’argument non fondé dans la mesure où des agriculteurs canadiens continuent à produire en bio et trouvent un marché pour le vendre. Mais le 30 août, le juge Cameron, de la Cour d’Appel de la Saskatchewan, permettait finalement aux agriculteurs de se présenter devant la Cour d’Appel (composée de 3 juges). A suivre en 2006…

<TD

Coton en Inde : la polémique dure…

Le coton GM est une des pierres d’angle de l’édifice de l’industrie des biotechnologies, car c’est une culture de rente pour les pays en développement. Cependant le mécontentement n’a jamais été aussi étayé.

D’un point de vue agronomique, un rapport publié en novembre 2005 par des ONG indiennes conclut à d’importantes pertes agricoles dues au flétrissement du coton Bt et non Bt. Monsanto en conclut que la cause n’est pas la modification génétique. Pourtant, le rapport indique que le flétrissement a d’abord concerné les variétés transgéniques puis s’est étendu aux variétés non transgéniques, posant implicitement la question d’une maladie développée par le coton Bt et transmise ensuite. Et d’autre part, le flétrissement s’est montré moins important sur les variétés non transgéniques.

Une autre étude, effectuée par l’équipe du Pr. Kranthi de l’Institut Central de Recherches sur le Coton de Nagpur (CICR) révèle que le coton Bt perd son efficacité à lutter contre le ver du coton après 110 jours de culture. Or, certaines variétés ont des cycles jusqu’à 140 jours et au-delà. Non seulement la teneur en protéine transgénique insecticide Cry1Ac diminue lorsque la plante grandit, mais l’expression de la protéine est la plus faible dans l’ovaire de la plante et dans l’enveloppe des capsules vertes, cibles privilégiées du ver.

Une troisième étude, réalisée dans l’Andhra Pradesh et conduite sur trois ans par le Dr. Qayum, ancien directeur de l’agriculture de l’Andra Pradesh, et K. Sakkhari, qui a travaillé pendant trois ans à l’ICRISAT (organisme de recherche, membre du CGIAR), conclut que le coton Bt est un échec pour les rendements, coûts de culture et la résistance aux insectes. L’étude démontre que la moyenne sur trois ans des rendements est inférieure de 8% pour le coton Bt alors que les coûts sont de 12% plus élevés. Au final, la moyenne des bénéfices pour l’agriculteur est pour le coton Bt de 60% moindre que pour le non Bt.

Par ailleurs, Monsanto utilise de fausses publicités et des pratiques non éthiques pour vendre le coton Bt aux agriculteurs. Ainsi, une publicité met en avant un agriculteur annonçant un rendement de huit quintaux / ha alors qu’il en a obtenu deux, des utilisations d’image abusive, des aides gouvernementales pour diffuser les publicités dans des journaux, des distributions gratuites d’herbicides avec l’achat de semences Bt…

Au final, le gouvernement de l’Andra Pradesh a interdit à Monsanto de commercialiser son coton Bt pour la période 2005-2006. Il invoque des manquements de l’entreprise dans les campagnes précédentes et son refus de payer aux agriculteurs les 8 millions d’euro décidés par le commissaire à l’agriculture de l’Etat, Poonam Malakondiah, en compensation des pertes économiques subies.

Des risques de nouveau démontrés

En matière d’études sur les risques sanitaires, l’année 2005 a été généreuse : trois études ont été publiées et un dossier d’autorisation, celui du Mon 863, a été sujet à polémique.

Le dossier d’autorisation du MON863 a été un sujet de polémique scientifique et politique. Selon un rapport confidentiel de 1139 pages de Monsanto, les rats nourris avec du maïs Mon863 ont développé des anomalies dans leurs organes internes (reins plus petits) et des changements dans leur composition sanguine. Ces problèmes ne sont pas présents chez les rats nourris avec du maïs non GM [24]. Mais l’entreprise considère ces anomalies comme sans signification, dues au hasard et reflétant des variations normales existant chez les rats. L’autorité allemande de biosécurité a demandé à Arpad Pusztaï d’analyser ce rapport, mais sans pouvoir en révéler publiquement les conclusions. Il a alors rapporté “une longue liste de différences significatives” entre les différents lots de rats et a critiqué la méthodologie de l’étude. Le gouvernement a refusé de publier les conclusions de Pusztaï. Les commentaires de Pusztaï corroborent ceux d’autres scientifiques allemands ou français comme G.E. Séralini. Suite à une procédure en Allemagne, cette étude a dû être rendue publique.

Des études scientifiques ont aussi réalisées en dehors des demandes d’autorisation. Ainsi, le Pr. Malatesta [25] de l’Institut d’Histologie et d’Analyse de l’Université d’Urbino, conclut que des effets sanitaires, dus à la consommation de soja GM sur des souris, sont réversibles. Une première phase de l’étude avait montré des modifications dans les hépatocytes (cellules du foie), les cellules du pancréas ainsi que des cellules des testicules. Les chercheurs montrent qu’un retour à une alimentation à base de soja non transgénique pendant un mois permet de voir disparaître les modifications observées.

Une autre étude [26] montre que la même protéine – en l’occurrence la protéine R-amykase inhibitor – produite “naturellement” dans le haricot ou après transgenèse dans un pois, n’ont pas la même structure. La différence de structure observée est due au fait que les modalités de synthèse et glycosylation (adjonction de sucre) des protéines sont différentes d’un organisme à l’autre. Or, la consommation de cette protéine transgénique par des souris, durant quatre semaines, conduit à une réaction immunitaire qui n’a pas lieu lorsque la protéine consommée est la protéine d’origine (du haricot). La réaction allergique s’est même étendue à d’autres protéines naturellement présentes chez le pois qui deviennent allergisantes chez l’animal sensibilisé. De tels pois transgéniques ont déjà fait l’objet d’analyses et d’essais en champs en Australie, la protéine de haricot devant leur conférer une résistance au charançon des pois. Suite à ces révélations, en novembre 2005, ces essais de pois transgéniques ont été détruits par l’organisation de recherche scientifique et industrielle du Commonwealth (CSIRO, Australie), responsable de ces essais.

Pour les risques sur l’environnement, de nouvelles preuves s’accumulent… Une étude du Pr. Moores de l’Institut de Recherche Rothamsted au Royaume-Uni, démontre, en Australie, l’acquisition de résistance à la protéine Bt d’un coton transgénique, par un ver des racines Helicoverpa armigera, cible de cet insecticide. Près de 70% de la population de ver des racines au contact de ce coton GM, cultivé depuis 1996, est devenue résistante [27]. Afin d’éviter ces phénomènes désormais documentés, les chercheurs ont mis au point la stratégie “d’empilement” qui consiste à faire exprimer par la plante plusieurs protéines Bt. Cependant, une étude de l’Institut Cornell montre que la culture de plantes GM contenant un seul gène Bt réduit l’efficacité des plantes en possédant plusieurs [28].

A propos du Bt, plusieurs découvertes ont été faites. Le Professeur Obrycki (Université du Kentucky) démontre que, suite à la culture de plantes Bt, la protéine Bt se retrouve dans des organismes herbivores non cibles (coléoptères, vers des racines…), ainsi que dans des arthropodes, prédateurs de ces herbivores. La rémanence de la protéine Bt sur le long terme est donc démontrée [29]. Et dans un travail de l’Université de Waterloo (Canada) et de trois centres de recherche en Allemagne, consistant à comparer deux lignées de maïs Bt, Novelis (MON810) et Valmont (Bt176), avec les lignées non GM, les chercheurs ont montré des taux de lignine supérieurs respectivement de 28% et de 18%, les rendant notamment moins digestibles [30].

Les résultats du dernier volet d’un vaste programme lancé en 1999, conduit par le Professeur C. Pollock, ont été publiés en mars dans les annales de la Société anglaise Royale des Sciences [31] et confirment ceux obtenus précédemment sur des espèces de printemps (betterave, maïs, colza) : les chercheurs ont, dans 65 champs différents, comparé du colza d’hiver GM tolérant au glufosinate et du colza traditionnel. Dans les champs de culture transgénique, la quantité de dicotylédones, “mauvaises herbes”, représente un tiers de celle retrouvée en culture conventionnelle. Or, ces plantes produisent les graines les plus attrayantes pour plusieurs espèces d’oiseaux (alouettes, bouvreuils…), et des pollens appréciés des abeilles et papillons. Aussi, les champs “transgéniques” abritent moins d’abeilles et de papillons, et un effet est possible sur les oiseaux. En revanche, le colza transgénique requiert moins d’herbicide.

La légitimité des faucheurs en question

Face à ces lacunes législatives, à ces contaminations démontrées et aux preuves de risques sanitaires et écologiques, certains secteurs de la société civile continuent leur combat, notamment par le biais des “fauchages” d’essais en champs de PGM.

En France, l’année a commencé par la non-reconnaissance des procès collectifs. En 2004, les Présidents des Tribunaux de Toulouse et celui de Riom avaient en effet accepté l’idée de “comparants volontaires” reconnaissant par là le caractère collectif et revendicatif de l’action. Cependant, le 14 avril 2005, la Cour d’Appel de Toulouse a jugé recevable l’appel interjeté par le parquet et a refusé la convocation devant le tribunal correctionnel de 222 “faucheurs volontaires”. La Cour d’appel de Riom a fait de même, le 19 mai 2005.

Comme en 2004, le Garde des Sceaux, M. Perben, a rédigé une circulaire le 30 mai 2005 adressée aux Procureurs [32], pour sanctionner les “opérations de destructions volontaires de plants d’[OGM]. Pour le Ministre, “l’autorité judiciaire doit démontrer sa capacité à réagir avec fermeté et diligence face à de tels comportements qui nuisent gravement non seulement au fonctionnement démocratique de notre société, mais aussi au droit constitutionnellement protégé de la propriété, ainsi qu’à la recherche française en matière agricole et médicale”. M. Perben réactualise ainsi la circulaire du 4 juin 2004 qui, dit-il, “conserve toute son actualité, notamment en ce qu’elle vous demande d’apporter à l’encontre de leurs auteurs, en temps réel, des réponses pénales systématiques et empreintes de fermeté”. Quant aux “comparants volontaires”, le texte précise des éléments de doctrine et de jurisprudence permettant “de requérir l’irrecevabilité des demandes de comparutions volontaires”.

En juin 2005 plus de 4 800 femmes et hommes, entre 18 et 90 ans, se sont déclarés Faucheurs Volontaires [33]. Cet été, la plupart des essais de PGM ont été fauchés. Trois types d’action ont eu lieu : les fauchages revendiqués, réalisés de jour ou de nuit et les fauchages sauvages. Parmi les arrachages marquants, celui survenu le 27 août 2005 à Nonette (63) où les faucheurs se sont littéralement fait agressés par des agriculteurs venus en nombre défendre les essais de moléculture (production de lipase gastrique) réalisés pour Meristem Therapeutics. Certaines de leurs parcelles d’essais ont ensuite été gardées par des gendarmes, des vigiles, des chiens et même un hélicoptère. Les faucheurs volontaires ont porté plainte et se sont retrouvés deux fois au tribunal, le 16 septembre 2005 pour être jugés pour “destruction en réunion”, et le 23 janvier 2006, pour avoir été agressés (cf. p.10)… Dans le premier procès, le tribunal a condamné 12 des 15 faucheurs à un mois d’emprisonnement avec sursis et à 17 000 euro pour préjudice moral et financier et frais de procédure.

Parmi les procès, quatre sont particulièrement à noter. Par ordre chronologique, celui de Toulouse (20 et 21 septembre 2005) car il fut le plus dur : José Bové, récidiviste, a été condamné à quatre mois de prison ferme, les autres ont été condamnés à trois ou deux mois de prison avec sursis. A Riom (14 et 15 septembre 2005), les faucheurs ont aussi été condamnés à de la prison avec sursis (4 mois).

Les deux autres procès sont, au contraire, beaucoup plus cléments avec les faucheurs. Le 28 septembre 2005, la Cour d’Appel de Grenoble, qui jugeait le fauchage de St Georges (Isère) déboutait Monsanto de ses prétentions de dommages et intérêts et ne sanctionnait par aucune condamnation les trois faucheurs. La Cour a en effet “constaté l’extinction de l’action publique et pénale par l’effet de la loi d’amnistie du 6 août 2002”. De même, le 9 décembre 2005, la Cour d’Orléans relaxait les 49 inculpés, reconnaissant explicitement “l’état de nécessité” de leur action. La Cour a aussi reconnu le droit “à valeur constitutionnelle” de “vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé”. Les inculpés devront cependant verser 6000 euro d’indemnités à Monsanto qui en demandait 398 000. Dans ces deux jugements, le Parquet et Monsanto. Et le 12 janvier 2006, le tribunal de Versailles relaxait, pour des raisons similaires, neuf militants de la Confédération paysanne, impliqués dans un fauchage. D’autres fauchages ont eu lieu, notamment en Allemagne, où est né le premier collectif des Faucheurs volontaires, et aux Pays-Bas.

L’année 2005 n’a pas vu naître le débat démocratique sur les PGM, débat tant attendu, et ce n’est pas la mission parlementaire, en France, qui le remplacera : non seulement ses conclusions ont été jugées partielles par plusieurs de ses membres, mais surtout la plupart d’entre elles n’ont pas été mises en œuvre. Plus encore, la France a demandé à la Commission européenne de garder secrètes les études de toxicologie au nom du secret industriel. Or, en parallèle, les Tribunaux reconnaissaient, du moins pour les fauchages, leur légalité. Et en attendant, dans l’Union européenne comme aux Etats-Unis, de fortes pressions sont exercées sur les régions ou comtés qui veulent se déclarer “zones sans OGM”… Et, selon un eurodéputé, ce n’est pas lors de la réunion de Vienne sur la coexistence, début avril 2006, que l’on fera avancer le droit des régions. A quand un réel débat public sur les PGM ?

[1étude menée par le Bureau à l’Economie Agricole auprès de 285 personnes

[2étude réalisée en août 2005 par le Conseil pour la Durabilité

[3sondage auprès de 1001 personnes par Forsa pour Slow Food

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