Tribune

Perquisitions contre les opposants aux OGM en Belgique

Par CAGE

Publié le 13/02/2003, modifié le 08/07/2024

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Le CAGE (Collectif d’Action GénEthique) déplore les perquisitions dont a été victime l’un de ses membres à Liège et à Bruxelles ce jeudi 6 février 2003 au matin.

Lors de cette perquisition, des documents sur les disséminations d’OGM dans l’environnement et l’alimentation en Belgique et des ordinateurs ont été emmenés par la police fédérale de Gand. Les agents présents sur place n’ont fourni aucune précision sur les motifs qui auraient justifié une telle méthode et sur le choix du domicile perquisitionné, celui d’un acteur travaillant ouvertement depuis plusieurs années sur les dossiers liés au génie génétique en Belgique. Ils se sont contenté de relier cette violation de domicile à une enquête sur plusieurs arrachages de parcelles transgéniques ayant eu lieu depuis… le 23 mai 2001.

Nous apprenons aujourd’hui par la presse que des perquisitions ont également été opérées en Flandre au siège des associations environnementales Velt et JNM (Jeugdbond voor Natuurstudie en Milieubescherming), ainsi qu’au cabinet du Ministère de l’Environnement, où la saisie de tous les documents se rapportant à la culture en Belgique d’organismes génétiquement manipulés n’a là aussi été accompagnée d’aucune motivation verbale. C’est également dans la presse que s’étalent maintenant des « soupçons » sur « l’implication active » de collaborateurs du ministre de l’Environnement dans des arrachages de plantes manipulées.

Si l’Etat de droit consacre en principe la séparation des pouvoirs et l’indépendance du judiciaire envers l’exécutif, les coïncidences et les insinuations sont ici trop bien agencées et distillées dans l’espace public pour qu’il soit possible d’y voir la seule « recherche sereine de la vérité judiciaire ».

Ces perquisitions sont réalisées près de deux ans après les premiers événements qu’elles prétendent éclairer. Par contre, elles frappent au moment même où la progression des intérêts pro-OGM en Belgique connaît un coup d’arrêt sans précédent, ce que traduit notamment le passage du nombre de disséminations expérimentales de plantes transgéniques sur notre territoire de 144 en l’an 2000 à… une seule pour l’année 2003 ! La multinationale Bayer-Aventis, par exemple, a interrompu toutes ses contaminations en champs cette année, pour se concentrer sur la possibilité de commercialiser à l’échelle européenne son fameux colza Terminator (MS8/RF3).

Ce revers subi par l’industrie du transgénique dans notre pays est du à la conjugaison de la vigilance et des efforts de ceux qui sont ici montrés du doigt : des associations de citoyens tel le CAGE d’un côté, le cabinet des ministres Agalev de l’Environnement, Magda Alvoet puis Jeff Tavernier, de l’autre. Autant les associations que le Ministère oeuvrent depuis deux ans à l’instauration d’une information transparente des populations contaminées et de procédures de décision intelligentes, incluant une évaluation socio-économique de l’impact des manipulations génétiques dans l’agriculture. C’est ce projet que Agalev et ECOLO souhaitent défendre au Parlement dans les semaines qui viennent, à travers la transposition en Belgique de la directive européenne 2001/18 sur les expérimentations d’OGM.

C’est ce projet que les serviteurs des intérêts transgéniques, au sein du VLD, du MR et du PS, ont bloqué le 20 décembre dernier au Conseil des ministres. Ils entendent aujourd’hui faire payer leur arrogance à celles et ceux qui ne se résignent pas à la perspective d’un monde recomposé génétiquement, où quelques centaines d’emplois de chercheurs transgénistes remplacent des milliers d’agriculteurs chez nous et des dizaines de milliers de petits paysans dans le Sud.

Tout semble bon pour parvenir à jeter le discrédit sur leurs adversaires, y compris une théorie du complot, l’évocation de « fuites » sur la localisation des parcelles transgéniques, fuites venant de collaborateurs ministériels de Jeff Tavernier. Or, quiconque s’intéresse un minimum à la question des OGM en Belgique, sait que les communes de disséminations officielles d’OGM sont renseignées depuis 2000 dans les fiches d’information du public sur le site du Service de Biosécurité et de Biotechnologie dépendant du Ministère de l’Environnement ! Pour cette année, la localisation et le plan précis des pommiers manipulés à Rillaar (Aarschot) est d’ailleurs accessible sur le site du Joint Research Centre de la Commission Européenne (https://ec.europa.eu/jrc/)…

Voilà aussi l’un des enjeux de l’assaut porté par le biais de la Justice : empêcher le maintien d’une information aux citoyens suffisante pour qu’un véritable débat naisse chaque fois qu’une culture de végétaux manipulés est entreprise. Au besoin, en faisant croire que s’impliquer dans la résistance aux OGM exige de verser dans la clandestinité ou de jouer aux « agents doubles ».

Ce spectacle n’est pas digne de la démocratie que les autorités belges affirment défendre.

En outre, privé de ses dossiers et ordinateurs, le CAGE se voit empêché de fonctionner. De même que la personne perquisitionnée de se préparer pour le procès qui commence ce 10 mars à Namur et dans le cadre duquel 13 citoyens belges, français et luxembourgeois comparaîtront pour un arrachage public de cultures OGM chez Monsanto, le 7 mai 2000.

Le CAGE entame dès lors les procédures lui permettant par toutes voies de droit d’obtenir la restitution du matériel nécessaire à son fonctionnement.

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