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OGM : L’illégalité a changé de camp

Par Christophe NOISETTE

Publié le 10/09/2008, modifié le 27/02/2025

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Au moment où le gouvernement français interdisait le maïs Mon810 à la culture, plusieurs transgéniculteurs notoires avaient affirmé, devant les médias, qu’ils allaient pratiquer « la désobéissance civile » et qu’ils planteraient du maïs transgénique. Le terme de « désobéissance civile » fait clairement référence aux Faucheurs volontaires qui disent pratiquer une action illégale mais légitime. Ces agriculteurs considèrent donc que planter du maïs transgénique interdit est une action bénéfique à l’ensemble de la société, notamment car ils affirment que ce maïs réduit l’utilisation des pesticides, ce qui est hautement controversé.

Ainsi, début juillet, un champ de maïs Mon810 a été découvert dans le Tarn et Garonne, par un collectif composé de Faucheurs volontaires, de militants de Greenpeace, des Amis de la Terre, etc. Les associations ont alors immédiatement déposé un référé et assigné le SRPV (Service Régional de la Protection des Végétaux), le ministre de l’Agriculture et l’agriculteur qui a semé, devant le président du Tribunal de Grande Instance de Montauban. Les associations demandent qu’ « à quelques jours de la floraison et de ses risques de contamination, l’Etat [fasse respecter] cette interdiction et [neutralise] au plus vite de tels champs ».

Le communiqué de presse des associations précise qu’ « en raison de l’urgence constatée, le Président du Tribunal a autorisé les demandeurs à assigner suivant la procédure dite de « référé d’heure à heure » et fixé l’audience ce jeudi 10 juillet à 14 heures au TGI de Montauban ».

Pourquoi une telle procédure ? D’abord pour permettre à un huissier d’effectuer des prélèvements dans le champ de maïs afin de confirmer qu’il s’agit d’OGM, mais aussi pour permettre aux services de l’Etat d’intervenir pour faire respecter l’activation de la clause de sauvegarde qui introduit une interdiction de cultiver du maïs Mon810.

L’audience s’est déroulée le 10 juillet et le lendemain, le samedi 11 juillet, le SRPV prélevait, en présence d’un huissier, des échantillons pour vérifier que la culture était effectivement du Mon810.

Or, sans attendre les résultats, l’agriculteur a détruit lui-même son champ le 15 juillet : « une destruction… en forme d’aveux » comme le titrait La Dépêche, le 17 juillet. Le collectif anti-OGM nous précise que ce sont huit parcelles, donc la totalité des parcelles de maïs, GM ou non, qui ont été broyées. Contacté par Inf’OGM, Bruno Lion, directeur adjoint du SRPV de Toulouse, nous précisait que le SRPV avait rencontré l’agriculteur pour l’informer qu’il allait recevoir une injonction de destruction et lui a donc conseillé de détruire ses parcelles. Bruno Lion précise : « Une fois l’effraction constatée, le rôle de l’administration est de la faire cesser le plus vite possible, pour éviter tout type de problème ».

Depuis, les résultats ont confirmé que les cultures étaient bien du maïs Mon810.

Interrogé par Hervé Kempf [1], l’agriculteur fautif a expliqué que les semenciers « vendaient les semences en quantité, par palettes, il m’en restait l’an dernier, avoue-t-il. A 180 euros la dose, je n’avais pas les moyens de les jeter ». Et de continuer : « Un petit comme moi qui n’ai que vingt hectares n’intéresse plus les coopératives, dit Jean-Louis Cuquel. On n’a pas beaucoup de conseil, les techniciens agricoles ne viennent même plus. […] Je suis seul, je n’ai que mes deux mains ». Notons donc qu’à la différence des transgéniculteurs médiatiques, M. Cuquel n’a jamais révendiqué son action comme de la désobéissance civile. Il a défendu son action sur le registre économique. Mais, comme nous le précise l’un des responsables du collectif anti-OGM du Tarn et Garonne, ce « petit agriculteur » est défendu par le Cabinet Le Prat, cabinet de Claude Ménara, de Pionner (procès de Toulouse, juin 2008), etc.

Bruno Lion nous précise que ses services ont réalisé une centaine de tests sur une trentaine d’exploitations parmi le millier qui, en 2007, avait cultivé du maïs GM dans la région. Il reconnaît que le système n’est pas parfait. Cependant, il nous apprend qu’il n’a pas ordonné d’analyse des parcelles voisines de celles incriminées, car « on était à la limite de la pollinisation, on était encore en floraison »… Pour lui, il n’y avait donc aucun risque.

Les associations ont aussi toujours pris soin de préciser qu’ « il ne s’agit pas de dénoncer une personne. Entre ceux qui, multinationales semencières ou lobbies locaux, poussent intentionnellement à utiliser ce mode cultural et ceux qui n’ont pas réalisé que cette technique n’est pas une solution, il n’est pas question de faire d’amalgame ».

Et maintenant, que va-t-il se passer ?

Le SRPV avait promis une réunion avec toutes les parties prenantes, courant août, mais le 2 septembre, on nous informait que celle-ci n’avait pas eu lieu. En revanche, Bruno Lion nous a certifié que le SRPV avait transmis le dossier au procureur et que donc, de son côté, le travail était terminé. La suite est donc du ressort de la justice. Le cabinet Roux, en charge du dossier, tentera d’en savoir plus, dans les jours qui viennent. Inf’OGM continuera à suivre ce dossier.

Par ailleurs, les militants ont pratiqué dans le Sud ouest, en Auvergne, et dans l’Ain, de très nombreuses « visites citoyennes », avec de nombreux tests sur des parcelles de maïs. Ils n’ont trouvé qu’une parcelle illégale. Ainsi, résument les militants, les transgéniculteurs n’ont pas osé pratiquer « la désobéissance civile », sans doute un peu difficile à défendre devant un juge…

[1Le Monde, 11 juillet 2008

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