Actualités

Moustiques OGM : Oxitec de retour au Panama

Par Christophe Noisette

Publié le 26/09/2023, modifié le 09/01/2024

    
Partager

Huit ans après ses premiers lâchers de moustiques transgéniques au Panama, Oxitec envisage une nouvelle phase d’étude dans ce pays, en partenariat avec l’Institut de recherche scientifique et de services de haute technologie du Panama (INDICASAT-AIP) et financé par la Fondation Bill et Melinda Gates. L’objectif affiché : étudier la dynamique de la population du moustique OGM Anopheles albimanus, son comportement de reproduction et ses déplacements, en vue de déploiements pilotes plus massifs.

Oxitec avait déjà disséminé dans l’environnement, à titre expérimental, des moustiques transgéniques (Aedes aegyptii), au Panama, en 2014 [1]. Le but : réduire drastiquement la population de ce moustique pour réduire l’occurrence de la dengue. Les moustiques transgéniques sont en effet des moustiques mâles stériles. Lorsqu’ils s’accouplent avec des femelles sauvages, leur descendance ne survit pas. Malgré une communication tout à fait dithyrambique sur le succès incroyable de ces moustiques génétiquement modifiés [2], les lâchers se sont arrêtés. Aucune information n’a été donnée, ni par les autorités, ni par Oxitec, sur le pourquoi de cet arrêt. Est-ce que le coût était trop important pour les collectivités ? Est-ce que les citoyens et les ONG ont exprimé un désaccord qui a été entendu par les autorités ? Est-ce que, tout simplement, cette stratégie ne fonctionne pas sur le long terme ? Interrogées par Inf’OGM, les autorités nous précisent : « l’efficacité est de 80 %, les lâchers sont très peu coûteux ».

Dr. Nestor Sosa, impliqué à l’époque sur ce projet, mais désormais professeur à l’Université de New York (États-Unis), nous précise, a contrario, que « la raison principale était les coûts de mise en œuvre. Pour produire en masse les moustiques génétiquement modifiés, le gouvernement panaméen aurait dû investir plusieurs millions pour mettre en place une usine et un système de distribution et de contrôle. Oxitec était prête à fournir la technologie, mais le Panama devait payer le reste. Les efforts de lutte contre la dengue ne disposaient pas de cet argent et il n’y avait pas non plus la volonté politique d’investir dans ce domaine ». Il ajoute : « Un autre facteur est qu’à l’époque (comme aujourd’hui), la technologie des moustiques génétiquement modifiés était en cours de développement et n’était pas le seul outil disponible. Il y avait le projet Wolbachia sp. et les améliorations apportées au moustique Oxitec. Il était donc prudent d’attendre d’avoir plus de données ». Mais ce chercheur soutient, cependant, que « l’étude pilote a permis de réduire la population de moustiques dans la zone étudiée ».

Dans sa réponse, l’autorité panaméenne nous précise qu’Oxitec « a soumis sa demande pour la phase commerciale » pour des Aedes aegyptii transgéniques. Il est aussi précisé que « cette demande actuellement est examinée et évaluée par les trois comités sectoriels existants de biosécurité pour les OGM (santé, agriculture et environnement). Une fois le processus achevé par chaque comité, ceux-ci enverront leurs rapports techniques à la Commission nationale de Biosécurité. Le comité concerné examinera les documents respectifs et enverra ensuite sa recommandation technique à l’autorité compétente ».

Huit ans après ces lâchers, Oxitec envisage de nouveau de s’implanter dans ce pays d’Amérique centrale. Oxitec précise dans sa communication que cette nouvelle phase concerne un autre moustique, Anopheles albimanus, et qu’elle sera réalisée en collaboration avec l’Institut de recherche scientifique et de services de haute technologie du Panama (INDICASAT-AIP). Concrètement, toujours selon l’entreprise, il s’agit surtout d’une phase d’étude : « Lors de cette nouvelle phase pilote, l’équipe du projet, en collaboration avec les dirigeants des communautés locales, effectuera une surveillance sur le terrain de Anopheles albimanus dans les communautés panaméennes, afin de mieux comprendre la dynamique de la population du moustique, son comportement de reproduction et ses déplacements. Ces études fourniront des données préliminaires pour éclairer la conception des futurs déploiements pilotes sur le terrain de Friendly™ Anopheles albimanus » [3]. Notons que la communication d’Oxitec ne mentionne plus que ces moustiques sont génétiquement modifiés, mais les qualifie de « amicaux » (« friendly »).

Le programme d’Oxitec contre la malaria, qui se déploie en parallèle à Djibouti [4] et au Panama, est financé par une subvention de 18 millions de dollars de la Fondation Bill et Melinda Gates [5].

[1Il y a eu 81 lâchers, répartis sur 189 jours, entre le 25 avril 2014 et le 31 octobre 2014. En tout, donc, ce sont 4,3 millions de moustiques OX513A qui ont été disséminés. Il avait été calculé qu’il fallait 67 moustiques transgéniques mâles par habitant. Or, 900 personnes habitaient la zone couverte par cette expérience, à savoir une banlieue d’Arraijan appelée « Nuevo Chorrillo », à l’ouest du pays (environ 10 hectares).
Kevin Gorman et al., « Short-term suppression of Aedes aegypti using genetic control does not facilitate Aedes albopictus », Pest Management Science, Volume 72, Issue 3, Mars 2016.

Actualités
Faq
A lire également