Le Codex alimentarius et les OGM : quelles normes produit-il ?
Créé en 1962, la commission du Codex alimentarius est une institution internationale sous l’égide de la FAO (Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture) et de l’OMS (Organisation Mondiale de la Santé). Son objet : mettre au point des normes internationales en matière de sécurité sanitaire des aliments appelées le Codex alimentarius. Depuis de nombreuses années, la Commission s’est penchée sur la question particulière des OGM, sans parvenir à un consensus. Pourtant, ces normes ont un poids particulièrement important dans le commerce international. Si le Codex avait conclu à l’inutilité de l’étiquetage des produits GM ou en contenant, toute règlementation d’un État en ce sens aurait pu être considérée, au niveau international, comme une entrave au commerce.
Le Codex et les OGM
Certains textes internationaux, sur lesquels l’OMC s’appuie pour encadrer le commerce international, donnent comme référence le Codex alimentarius. L’accord SPS (accord sur l’application des mesures sanitaires et phytosanitaires) renvoie ainsi aux normes du Codex, et lui donne de ce fait un poids non négligeable. En effet, en cas de conflit devant l’OMC, c’est le pays dont la réglementation se rapproche le plus des normes du Codex qui obtiendra gain de cause. Autrement dit, les normes du Codex représentent un plafond : des protections conformes ou inférieures sont acceptées sans discussion. À l’inverse, une protection supérieure doit être « scientifiquement » justifiée pour convaincre l’OMC de son bien-fondé, ce qui n’est pas sans poser d’importants problèmes. En effet, d’une part la science n’est pas une et indivisible : de nombreuses controverses existent sans cesse, de nombreuses études manquent de rigueur, des conflits d’intérêt entachent certaines publications. Ainsi, quelles études seront privilégiées par l’organe de règlement des différends de l’OMC ? Mais d’autre part, et plus fondamentalement, cette façon d’envisager la décision politique implique, d’une façon ou d’une autre, d’instrumentaliser la science. La politique n’est pas une science. La politique et la science ne sont pas de même nature : aucune science ne permettra jamais à elle seule de prendre des décisions politiques.
La question des OGM fait l’objet depuis de nombreuses années de débats au sein de la Commission du Codex. En théorie, les États restent libres d’être plus exigeants que les normes du Codex. Pourtant, ces normes allant au-delà des prescriptions du Codex courent le risque d’être considérées comme des entraves au commerce.
Pas de reconnaissance du principe de précaution
Pendant plusieurs années, un débat fondamental s’est tenu au sein de la Commission du Codex sur l’utilisation ou non du principe de précaution dans l’évaluation des PGM destinées à l’alimentation. Les États-Unis s’opposaient fermement à la demande de l’Union européenne d’insérer ce principe dans les normes relatives à l’évaluation des risques liés aux PGM avant autorisation. en septembre 2007 la commission du Codex alimentarius a rejeté la proposition européenne [1]. Justification : ce principe avait plus pour conséquence d’ériger des barrières douanières que de protéger le consommateur. L’enjeu pour les États-Unis était de taille : la reconnaissance d’un tel principe aurait rendu sa remise en cause des moratoires européens beaucoup moins aisée.
L’étiquetage des produits issus d’OGM
C’est à l’issu d’un débat vieux de plusieurs années, que le Codex a reconnu en juillet 2011 [2] la possibilité pour les États de mettre au point un étiquetage pour signaler les produits contenants des ingrédients issus d’OGM. Cet étiquetage n’est pas rendu obligatoire, mais les États qui réglementent ce sujet ne courent a priori plus le risque d’être traînés devant l’organe de règlement des différents de l’OMC pour entrave au commerce.
La tolérance des faibles contaminations, le cheval de Troie états-unien
Troisième débat en discussion au sein du Codex, la tolérance sur la présence en faible quantité de PGM non autorisées dans des lots d’importation. Ce débat-est l’objet de nombreuses discussions toujours en cours en 2014 et traduit assez bien les enjeux stratégiques qui se retrouvent au sein du Codex alimentarius.
Les enjeux sont simples : permettre aux pays producteurs de PGM, et qui ne peuvent garantir une étanchéité à 100% de leurs filières, d’exporter malgré tout leurs produits « contaminés » à faible taux, vers des pays où certaines PGM ne sont pas autorisées. Les États Unis souhaitent la reconnaissance de cette règle, qui pour l’instant n’est qu’une simple recommandation. Une évolution de statut pourrait remettre en cause la politique actuelle de tolérance zéro de l’Union Européenne.
Les objectifs et le fonctionnement du Codex
La Commission du Codex alimentarius, en charge d’élaborer les normes du Codex alimentarius, se réunit tous les deux ans. Elle est composée de 185 membres (184 États et l’Union européenne) et 202 observateurs (dont 48 organisations intergouvernementales, 138 ONG et 16 organisations des Nations unies).
En amont, le travail de la commission est préparé par :
les cinq comités de coordination répartis par zones géographiques. Ils peuvent proposer des normes pour leur zones géographiques. Ils participent à l’élaboration des normes alimentaires et coordonnent l’élaboration de ces normes au niveau régional et participent à la réflexion lors de la procédure d’élaboration des normes.
les comités du Codex horizontaux (sur les questions générales) et verticaux (qui s’intéressent à des produits particuliers). Ils préparent les projets de normes qui seront soumis à la Commission du Codex.
Le Codex alimentarius est composé de différents textes ayant différentes valeurs.
Il existe aujourd’hui plus de 200 normes du Codex, portant sur les caractéristiques des produits. Il s’agit là des principaux textes du Codex.
Le Codex comporte également des textes de portée plus large. Les Codes d’usage du Codex définissent ainsi « les pratiques en matière de production, transformation, fabrication, transport et stockage des aliments ou des groupes d’aliments, qui sont considérées comme essentielles pour garantir leur sécurité sanitaire et leur comestibilité » [3]. Enfin, les directives du Codex énoncent les principes généraux du codex et donnent leur interprétation.
L’ensemble de ces textes est adopté à l’issue d’une procédure complexe et longue. Plusieurs années étant nécessaires pour que l’un de ces textes puisse voir le jour.
De façon simplifiée : un comité ou un État propose un texte et c’est la Commission qui décide de la pertinence ou non d’élaborer effectivement ce texte. Si elle décide d’élaborer une règle sur un sujet donné, elle désigne un comité compétent, lequel va élaborer un projet de texte qui sera soumis à l’appréciation des États. C’est au terme de nombreuses relectures, que la Commission adoptera finalement le texte et l’intégrera au sein du Codex alimentarius.
Son site internet : http://www.codexalimentarius.org.