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Kokopelli condamné, le gouvernement embarrassé

Par Christophe NOISETTE

Publié le 31/12/2007, modifié le 27/02/2025

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En janvier 2008, l’association Kokopelli perdait deux procès [1], contre l’Etat et contre le semencier Baumaux.

Premièrement, accusée par l’Etat de vente de semences illégales, car les variétés vendues ne sont pas inscrites au catalogue, Kokopelli s’était pourvue en cassation en janvier 2007 mais la Cour a confirmé les résultats des deux précédents jugements et a condamné Kokopelli à une amende de 23 000 euro. Le GNIS*, qui s’était porté partie civile, s’est vu en revanche débouté de ses demandes, la Cour de Cassation estimant que cet organisme n’était pas autorisé statutairement à poursuivre en justice Kokopelli. Donc, d’après Raoul Jaquin, porte-parole de Kokopelli, « de ce point de vue, le GNIS [2] a perdu contre nous« . A noter que ce jugement oblige Kokopelli à publier dans quatre revues de jardinage – choisies par la FNPSP [3] – et à ses frais ce dernier jugement. Kokopelli rappelle que le pourvoi en cassation doit, en droit, suspendre le paiement de la condamnation. Or, la Cour d’Appel de Nîmes n’en a pas tenu compte et a demandé au Trésor Public de recouvrer le montant des pénalités auprès du président de l’association, Dominique Guillet, qui a refusé. Ainsi, dénonce Kokopelli, le Trésor Public a tout simplement bloqué le compte bancaire personnel de Dominique Guillet, début décembre à Aubenas et a sommé ce dernier de payer la somme de 17 767 euro. A ce jour, 2 200 euro ont déjà été saisis sur son compte personnel.

Baumaux : un petit devenu grand…

Deuxièmement, accusée, par l’entreprise Baumaux, de concurrence déloyale, un second jugement a eu lieu en première instance, le 19 novembre 2007. Kokopelli a été condamnée à verser 12 000 euro (dont 2 000 pour les frais de justice) au grainetier. Ce deuxième procès est plus étrange. Kokopelli comprend que l’Etat puisse l’accuser de non respect des lois, mais ne comprend pas que l’entreprise Baumaux – bénéficiant d’un chiffre d’affaires de huit millions d’euro et d’un bénéfice net de 850 000 euro – le fasse. Laquelle entreprise, rappelle Kokopelli, avait été, il y a une dizaine d’années, attaquée en justice par les grands semenciers, et avait alors été défendue par Me Lepage et soutenue par la Ferme de Ste Marthe (entreprise en bio). Ce changement d’attitude de la part de Monsieur Baumaux nous a été illustré par deux faits significatifs : au moment de la plainte, l’entreprise Baumaux faisait la une de la revue du GNIS et, dernièrement, c’est la chargée de communication du GNIS qui a signé les réponses aux clients et autres mécontents de l’action de Baumaux vis-à-vis de Kokopelli. Par ailleurs, et d’un point de vue juridique, « la plaidoirie [de Me Henry, avocat de Kokopelli] a également permis de démontrer par l’exemple que Baumaux fait exactement ce qu’elle reproche à Kokopelli, en proposant, dans son catalogue, des semences non inscrites au catalogue national, comme d’ailleurs d’autres maisons de semences… Comment dans ces conditions prétendre encore que Kokopelli ferait de l’ombre à Baumaux ? ou à d’autres… ?« … Ainsi, comme le précise Raoul Jaquin à Inf’OGM, Kokopelli aurait pu demander à la DGCCRF de verbaliser l’entreprise Baumaux, mais ceci n’intéresse pas cette association qui se bat pour la libération de la semence. De même, Kokopelli nous précise que « suite à la Campagne Robin des Semences, nous avons découvert que des centaines de supermarchés en France des chaînes Auchan, Leclerc, Carrefour, etc. vendent en toute impunité à l’automne des fruits de variétés strictement interdites à l’usage professionnel. Ces tomates et courges inscrites sur la liste “amateur” du catalogue officiel sont produites par des maraîchers professionnels qui ont acheté leurs semences à des semenciers professionnels. Ces semenciers professionnels ont trouvé l’astuce, pour ne point se mettre en porte à faux : ils proposent ces “variétés amateurs” dans leur catalogue sous la rubrique “variétés pour la production de plants à l’usage amateur”. Il fallait y penser. Il est bien évident que Kokopelli se réjouit de ce que les grands supermarchés participent à notre dynamique de désobéissance civile et de résistance fertile. Il n’est pas dans notre propos de porter plainte devant le Service de la Répression des Fraudes« . D’ailleurs, Kokopelli vient de nous apprendre qu’en janvier, les courges Cucurbita moshata – une espèce et non une variété -, inscrites au catalogue amateur et vendues donc illégalement par Auchan, Carrefour, Leclerc, etc. ont été soudainement « libérées »… c’est-à-dire qu’elles ont été sorties du catalogue en tant qu’espèce et les variétés d’une espèce qui n’a pas de catalogue peuvent être vendues. Raoul Jaquin commente : « Quand les supermarchés ont senti la pression sur ces courges devenir trop forte, ils ont donc agi vite et sans publicité pour régler le problème« … Conséquence : Kokopelli peut aussi les vendre, désormais, légalement.

L’Etat et ses promesses de pacotille

Mais l’association s’attendait à cette condamnation : « Malgré les directives européennes, les avis de l’ONU, du Sénat, de scientifiques, d’agronomes, affirmant l’urgence de sauvegarder la biodiversité végétale alimentaire, l’Etat français refuse de libérer l’accès aux semences anciennes pour tout un chacun« . L’association s’interroge : « Pourquoi condamner ces semences dont la FAO reconnaît qu’elles sont une des solutions pour assurer la souveraineté alimentaire, face aux dérèglements climatiques et à l’augmentation de la population mondiale ? » Et de répondre : « A l’heure où l’on veut nous faire croire que le tout hybride, OGM, chimique, énergie fossile, sont les seules possibilités d’assurer notre alimentation, propager l’autonomie semencière par l’exemple est devenu répréhensible« .

Kokopelli rappelle que lors du Grenelle de l’Environnement, il avait été affirmé, de façon consensuelle, qu’il était urgent de sauver la biodiversité. Ainsi, continuant à jouer la cacophonie sur ce genre de dossier, le gouvernement manie avec dextérité la carotte et le bâton. Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d’État à l’Ecologie, affirme que l’État envisage de se dédire pour éviter à l’ association Kokopelli d’avoir à payer la totalité des amendes auxquelles elle est condamnée, reconnaissant que cette association, en préservant des variétés anciennes, remplit une mission de service public et que sa condamnation pose problème : « L’association participe à la préservation de la biodiversité, du patrimoine et des semences anciennes. C’est intéressant, mais de ce point de vue, notre droit est mal fait. […] Nous travaillons à une éventuelle évolution législative pour sortir de cette situation absurde« . La secrétaire d’État a aussi annoncé sur France Inter le 8 février 2008 qu’elle était elle-même cliente de Kokopelli. Pour Kokopelli, ces déclarations sont sans effet : lors d’un rendez vous avec le ministère de l’Environnement, Patrick Vauterin (conseil au sein du Cabinet de Nathalie Kosciusko-Morizet) a clairement fait savoir que son ministère ne pouvait rien faire puisque c’est « l’Agriculture qui gère ce dossier« . Kokopelli n’a pas encore pu rencontrer les responsables du ministère de l’Agriculture.

Un comité de soutien a été créé [4], avec pour but « de protéger l’association Kokopelli des attaques de l’Etat Français et du lobby semencier et de libérer les semences de vie de l’emprise des multinationales de l’agro-chimie et des transgéniques« , via entre autre une cyber pétition [5].

[2Groupement National Interprofessionnel des Semences et Plants

[3Fédération Nationale des Industriels de la Semence

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