Actualités
Veille juridique Inf’OGM du 17 novembre au 8 décembre 2025
FRANCE
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Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses)
Une étude montre la présence généralisée de pesticides dans les logements
Le 14 novembre, l’Anses a publié les résultats de Pestiloge, première étude nationale de grande ampleur mesurant la présence de pesticides dans l’air intérieur et les poussières des logements. Elle a été réalisée entre 2020 et 2023 par le CSTB (Centre scientifique et technique du bâtiment), dans le cadre de l’Observatoire de la qualité de l’air intérieur (OQAI), et financée par le dispositif de phytopharmacovigilance de l’Anses. Cette étude a porté sur 571 logements, répartis dans 84 départements, avec l’analyse de 81 substances dans l’air et 92 dans les poussières. Les résultats montrent une contamination quasi généralisée, avec certains pesticides détectés dans plus de 80 % des logements (lindane, transfluthrine, DEET, icaridine dans l’air) et d’autres présents dans plus de 90 % des poussières (boscalid, tébuconazole, acétamipride, imidaclopride, glyphosate,…). Plusieurs substances atteignent des niveaux de concentration élevés : la perméthrine, le glyphosate, l’imidaclopride ou le PBO (Pipéronyl Butoxide) dépassent 100 ng/g dans la moitié des logements et 1000 ng/g dans 5 à 10 % des échantillons. L’étude montre également un lien entre proximité d’une zone agricole et hausse des concentrations de glyphosate, ainsi qu’une corrélation entre l’usage domestique de biocides et la présence accrue de fipronil et de perméthrine dans les poussières.
Ces résultats montrent que la pollution domestique aux pesticides est durable et diffuse, y compris pour des substances interdites en France, comme le lindane, même si l’Anses et le CSTB essayent d’être rassurants : « En l’absence de valeurs de référence ou de seuils réglementaires, il n’est pas possible de dire si l’exposition à ces concentrations représente ou non un risque pour la santé des occupants ». En l’absence de valeurs sanitaires de référence, l’évaluation des risques reste incertaine, mais les ONG alertent depuis longtemps sur une exposition chronique des populations et regrettent le manque de transparence et d’actions protectrices des autorités sur le sujet. En juillet dernier, Générations Futures, l’Association des médecins contre les pesticides et France Nature Environnement avaient déjà dénoncé, à l’occasion de l’étude Pestiriv, une volonté manifeste de masquer la réalité de l’impact des pesticides.
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UNION EUROPÉENNE
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Commission européenne
Accord sur la dérégulation des nouvelles techniques de modification génomique (NTG)
Le 3 décembre, la Commission européenne, le Parlement européen et le Conseil de l’Union européenne (UE) sont parvenus à un accord sur un texte visant à déréglementer de nombreux OGM issus de « mutagénèse dirigée » ou de « cisgénèse ». Le texte n’est pas encore public et doit encore être voté par le Parlement et le Conseil. Il prévoirait l’absence d’évaluation des risques, d’étiquetage des produits issus de NTG de catégorie 1 sauf pour les semences, d’obligation de fournir des méthodes de détection et identification, de mesures de coexistence entre filières OGM/NTG et filières non-OGM/NTG.
Plusieurs organisations de la société civile dénoncent une déréglementation jugée dangereuse, Pollinis évoquant un « recul majeur » pour l’agriculture, avec risques de contamination des filières sans OGM. Ifoam Europe souligne que « cet accord ne contient aucune mesure effective pour limiter la portée des brevets et protéger la liberté des opérateurs européens à travailler. Sans une solution légale et effective, l’Union européenne risque de freiner l’innovation variétale plutôt que l’encourager ». Les Amis de la Terre Europe dénoncent un « cadeau aux industries biotech » supprimant contrôles et étiquetage, alors que La Via Campesina critique l’ignorance des inquiétudes des agriculteurs, notamment sur les brevets et le manque de traçabilité, qui ouvrirait la voie à des poursuites abusives. Ces organisations appellent désormais les eurodéputés à rejeter le texte, à défendre leurs position initiales sur la traçabilité, ainsi que sur les brevets sur les cultures NTG contre lesquels Parlement s’était prononcé en 2024.
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Publication d’une étude « Impact de la propriété intellectuelle et NTG »
Le 1er décembre, la Commission européenne a publié un rapport intitulé « Soutenir l’innovation dans la bioéconomie de l’UE grâce à la protection de la propriété intellectuelle – Protéger la propriété intellectuelle – Défis et opportunités pour la biotechnologie agricole » (titre traduit de l’anglais). Ce rapport fait suite à l’annonce, en juillet 2023, en même temps que la proposition de déréglementation des OGM/NTG, d’un rapport sur l’impact des brevets sur l’accès des agriculteurs et des sélectionneurs au matériel végétal de reproduction. Ce long rapport (149 pages) combine approches juridiques, économiques et de marché, et montre notamment en quoi la complexité des brevets sur les NTG peut limiter un tel accès.
Parmi les nombreux points abordés, celui consacré à un impact majeur des brevets : les situations de contrefaçon et de contentieux qui en découlent. Le rapport affirme en particulier que, bien qu’aucun litige pour contrefaçon lié aux NTG n’existe en Europe, de nombreuses oppositions et recours au niveau de l’Office européen des brevets (OEB) pourraient préfigurer de futurs litiges. La multiplication des brevets et l’incertitude juridique rendent probable une augmentation de tels litiges à l’avenir. Ce point, ainsi que l’ensemble du rapport, seront étudiés et commentés prochainement par Inf’OGM.
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Présentation de la « nouvelle stratégie pour la bioéconomie »
Le 27 novembre, la Commission européenne a présenté un nouveau cadre stratégique pour une bioéconomie européenne « compétitive et durable ». L’objectif est de renforcer l’usage de ressources biologiques renouvelables (agriculture, forêt, pêche, biomasse, biotechnologies) afin de « substituer des matières premières fossiles, soutenir une économie circulaire et consolider l’autonomie stratégique européenne ». Cette stratégie mise sur l’innovation biotechnologique, la création de marchés pilotes pour les matériaux biosourcés (plastiques, fibres, produits phytopharmaceutiques, engrais, bioconstruction), ainsi que sur un approvisionnement durable en biomasse. Elle prévoit un cadre réglementaire « simplifié », un renforcement des financements publics et privés, et la création d’une Alliance pour une Europe biosourcée visant à mobiliser 10 milliards d’euros d’achats publics et privés d’ici 2030.
Ce nouveau cadre stratégique annoncé par la Commission ne fait que confirmer son soutien à une expansion industrielle de la bioéconomie, notamment les biotechnologies. L’institution affirme qu’ « afin de garantir que l’UE offre un environnement prévisible et propice à l’innovation biosourcée, […] elle entend simplifier les exigences réglementaires et accélérer les autorisations de produits grâce aux lois européennes sur les biotechnologies ». On peut notamment y voir un risque de pression accrue sur les forêts, les sols et la biomasse agricole, dans un contexte de concurrence déjà forte entre usages (alimentation, énergie, matériaux). Également, la volonté de la Commission de « simplifier » le cadre réglementaire conduira plus à un affaiblissement des garde-fous environnementaux et sociaux qu’à garantir une réelle transition écologique. La Commission annonce un rapport pour 2027 « sur l’énergie renouvelable, l’impact des régimes d’aide des États membres en faveur de la biomasse, notamment sur la biodiversité, le climat et l’environnement, ainsi que sur les éventuelles distorsions du marché ». Ceci ne constitue pas pour autant un acte d’engagement clair et fort de la Commission pour une réelle protection de la biodiversité, la régulation des usages de biomasse ou le respect des limites écologiques. Cette nouvelle stratégie ne manquera pas de susciter des inquiétudes parmi plusieurs ONG environnementales, agronomes critiques et organisations paysannes.
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Parlement européen
Question parlementaire : New genomic techniques in agriculture and the need for institutional safeguards
> Question n° E-004729/2025 de Galato Alexandraki (ECR) du 28 novembre 2025 :
« With new genomic techniques evolving at an extremely fast pace, serious concerns are being raised regarding safety, the environment and the sustainability of agricultural production. Genetic modification in crops can affect ecosystems, lead to biodiversity loss and make farmers dependent on patented seeds, reinforcing monopolistic practices. At the same time, the long-term effects on health and social equity remain unknown, while the legislative framework is still being shaped.
Can the Commission say:
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1.How is it being ensured that the implementation of new genomic techniques does not lead to the disruption of natural ecosystems and the loss of traditional agricultural diversity?
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2.What measures will be taken to ensure that farmers do not become dependent on companies that own patents for genetically modified seeds, thus safeguarding agricultural autonomy and preventing economic monopolies?
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3.When will a comprehensive and binding legislative framework that protects consumers and the environment be developed, ensuring that new techniques will only be implemented following their full risk assessment and with adequate institutional safeguards? »
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INTERNATIONAL
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FAO/Tirpaa
Pas de consensus sur l’« amélioration » du système multilatéral
Le 24 novembre, l’Organe directeur du Tirpaa (Traité international sur les ressources phytogénétiques pour l’alimentation et l’agriculture), réuni à Lima (Pérou), n’a pas réussi à adopter la proposition de compromis présentée in extremis par son président pour réformer le système multilatéral (SML) d’accès aux ressources phytogénétiques (RPGAA) et de partage des avantages des bénéficies issus de celles-ci. La majorité des pays d’Afrique, du GRULAC (Groupe de l’Amérique Latine et des Caraïbes) et d’Asie ont rejeté un texte jugé insuffisamment discuté, dans un contexte de négociations marqué par un manque de transparence et la restriction de la participation des observateurs. Les points de blocage ont notamment porté sur l’intégration des informations de séquences numériques (DSI) dans le champ du Traité, l’élargissement de l’annexe I (liste les espèces cultivées couvertes par le SML) et la réforme du mécanisme de financement.
L’échec de la proposition – qui visait notamment à adopter un nouveau contrat d’accès aux RPGAA (dit SMTA) en 2027 – laisse le Traité dans une impasse, alors que le Fonds de partage des avantages reste quasi vide et que les divergences entre pays « du Nord » et « du Sud » demeurent profondes. Le Comité international de planification pour la souveraineté alimentaire (IPC), plateforme mondiale de petits producteurs alimentaires et d’organisations de travailleurs ruraux et de mouvements sociaux, « appelle les pays qui souhaitent réellement travailler à la mise en œuvre de ce traité international sur la base de ses meilleurs principes à collaborer avec les organisations paysannes au niveau national afin de protéger, promouvoir et réaliser leurs droits sur les semences, et mettre fin à la biopiraterie de l’industrie semencière ».
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