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Aux États-Unis, la faim ne justifie vraiment pas les moyens biotechnologiques
Aux États-Unis, les chiffres de la malnutrition (faim, obésité…) montrent qu’un pays pourtant grand consommateur d’OGM continue d’être exposé à cette problématique, selon une tendance stable. Les OGM comme solution à la faim dans le monde n’est donc pas un argument solide.
L’argument des OGM comme outil dans la lutte contre la faim dans le monde est utilisé depuis les années 90.
En 2023, par exemple, un article publié sur un site scientifique s’intitulait « Les cultures génétiquement modifiées peuvent être une solution à la faim »1. L’auteur, citant l’Isaaa, un des lobby de l’industrie agrochimique, soulignait que « les scientifiques ont démontré que la technologie des OGM augmente le rendement, développe des cultures résistantes aux maladies et crée des variétés qui peuvent tolérer la sécheresse ». Ce refrain est répété ab libitum depuis la naissance des premières plantes transgéniques…
Pendant ce temps, le ministère étasunien à l’Agriculture (USDA), dans un rapport publié le 4 septembre 2024, annonçait qu’en 2023, 13,5% (soit 18 millions) des ménages étasuniens étaient « en situation d’insécurité alimentaire ». Une donnée en hausse depuis quelques années2 .
Année |
2020 |
2021 |
2022 |
2023 |
Nombres de ménages |
13,8 M |
13,5 M |
17 M |
18 M |
% de ménages en insécurité alimentation |
10,5 |
10,2 |
12,8 |
13,5 |
% des ménages en très grande insécurité alimentaire |
3,9 |
3,8 |
5,1 |
5,1 |
Évolution des ménages étasuniens « en situation d’insécurité alimentaire » (source : USDA).
En 2001, quelques années seulement après l’arrivée des premières cultures transgéniques, le pourcentage de ménages étasuniens en situation d’insécurité alimentaire était de 10,7%. La situation a oscillé au cours de ces 20 années, mais elle n’est jamais descendue en dessous de 10,5%. Il est donc patent que les cultures d’OGM n’améliorent pas la sécurité alimentaire.
En parallèle, selon une étude publiée dans le journal The Lancet3, aux États-Unis, le taux d’obésité est passé de 21,2% en 1990 à 43,8% en 2022 pour les femmes et de 16,9% à 41,6% en 2022 pour les hommes. En 2022, la prévalence – à savoir le rapport entre l’ensemble des cas d’un fait et l’ensemble de la population exposée, à une date donnée – de l’obésité aux États-Unis se situait au 36ème rang mondial pour les femmes et au 10ème rang mondial pour les hommes. Quand on parle de « rang mondial », on se réfère à des États, peu importe leur taille. Ainsi, les pays en tête sont des petits États insulaires de Micronésie et de Polynésie.
Les États-Unis sont le premier producteur d’OGM au monde. Récemment, ce pays, pour favoriser l’émergence de nouvelles cultures OGM, a décidé de réduire encore les contraintes en considérant qu’un certain nombre de nouvelles techniques de modification génétique n’avaient plus à être encadrées.
Nous ne faisons pas de lien de causalité entre la production d’OGM à grande échelle et la malnutrition ni l’obésité. En effet, nous l’avons déjà expliqué dans plusieurs brochures et articles, la faim ou l’obésité sont des phénomènes complexes. En revanche, ces données chiffrées montrent que, d’une façon macro-économique, la culture sur des millions d’hectares de quelques plantes transgéniques (maïs, soja, coton, colza) n’a pas inversé la tendance à la malnutrition dans ce pays. Affirmer que les OGM permettent de réduire la malnutrition n’est donc pas un argument confirmé par l’expérience étasunienne.
1 Ademola Adenle, « Genetically modified crops may be a solution to hunger—why there is skepticism in Africa », The Conversation, 6 juillet 2023.
2 Matthew P. Rabbitt, Madeline Reed-Jones, Laura J. Hales, and Michael P. Burke, USDA, « Household Food Security in the United States in 2023 », septembre 2024.
3 Phelps, Nowell H et al., « Worldwide trends in underweight and obesity from 1990 to 2022: a pooled analysis of 3663 population-representative studies with 222 million children, adolescents, and adults », The Lancet, Volume 403, Issue 10431, 1027 – 1050.