Pas de frontières pour les insectes OGM
La dissémination d’insectes génétiquement modifiés dans l’environnement pose de nombreux problèmes. Notamment, celui de leurs déplacements incontrôlés. Et les frontières établies par les hommes entre les pays n’en sont pas pour les insectes. Pour le moment inexistante, faudra-t-il inventer une législation spécifique ?
Alors que la pertinence de modifier génétiquement des insectes est très peu interrogée, des insectes OGM sont déjà disséminés dans certains pays. Avec quelles conséquences pour la biodiversité et pour l’homme ? Les études d’impact de telles expériences sont complexes, car la dissémination n’est pas circonscrite à un endroit donné, et dépasse même parfois les frontières.
Mouvement transfrontière non intentionnel : couvert par un Protocole
Il n’existe aucune réglementation internationale ou nationale spécifique aux insectes OGM. Seul le Protocole de Cartagena, en vigueur depuis 2003, couvre les mouvements d’Organismes Vivants Modifiés (OVM), plantes et animaux, afin de prévenir les risques des biotechnologies sur la diversité biologique [1]. Le Protocole comporte notamment le mécanisme d’accord préalable en connaissance de cause entre le pays qui reçoit et celui qui exporte des OVM. Ainsi que des obligations d’information et d’évaluation des risques lors des mouve
ments transfrontières entre les États.
Le Protocole s’applique pour des mouvements transfrontières liés essentiellement aux échanges commerciaux internationaux entre un importateur et un exportateur. Mais il s’applique aussi aux mouvements transfrontières non intentionnels. Le Protocole prévoit en effet la notification aux « États effectivement touchés ou pouvant l’être (…), [de] tout incident dont elle a connaissance (…) et qui a pour résultat une libération entraînant ou pouvant entraîner un mouvement transfrontière non intentionnel d’un organisme vivant modifié ».
Mais le cas des insectes OGM se place encore en amont de toute dissémination volontaire des OVM.
Lors de la dissémination d’insectes OGM, certains insectes peuvent se retrouver dans d’autres pays que celui dans lequel le lâcher a été autorisé. Le Protocole parle dans ce cas de mouvements transfrontières « illicites » (article 25) : « La Partie touchée peut demander à la Partie d’origine d’éliminer à ses propres frais les OVM concernés, en les rapatriant ou en les détruisant ». Cependant le déplacement des insectes semble trop peu maîtrisable et traçable pour envisager une application totalement efficace de cette mesure. Cette mesure intervient donc trop tard dans la gestion des risques.
Difficile information, impossible réparation
Le Protocole additionnel de Nagoya-Kuala Lumpur, adopté en 2010, prévoit un mécanisme de responsabilité et de réparation des dommages résultant des mouvements internationaux des OVM [2]. Bien que contraignant, sa force d’application reste faible. Il n’est opposable qu’à ses parties (seulement quarante cinq à ce jour) et laisse aux États le soin de le mettre en œuvre. De plus, aucun organe de règlement des conflits n’est prévu.
Le Protocole de Cartagena préconise l’information des communautés impactées et leur participation aux prises de décision relatives à la dissémination d’OVM. Dans le cas d’insectes génétiquement modifiés, il faudrait que les pays frontaliers ou tout autre pays ou communauté locale d’un autre pays potentiellement impacté puissent être informés ou associés aux prises de décisions.
Le concept d’accord préalable pourrait être étendu à la décision de dissémination elle-même et non plus au seuls mouvements transfrontaliers prévus entre États, entendus comme importateur et exportateur. Il s’agirait pour tous les territoires concernés de prendre une décision conjointe.
Il faudrait aussi exiger une autorisation commune à tous les pays, tous les territoires qui hébergent l’espèce cible. En effet, une dissémination peut potentiellement impacter l’ensemble de l’espèce même si sa répartition dans l’espace n’implique pas des pays partageant des frontières.
Dans ce cadre d’accord conjoint, se pose également la question de l’acteur chargé de participer aux décisions et de donner un accord. Si seuls les gouvernements ou les agences nationales de biosécurité en sont chargés, cela ne fait que repousser la question de la réelle information et implications des communautés impactées…
[1] , « Protocole de Cartagena : l’évaluation des risques en débat », Inf’OGM, 20 juillet 2018
[2] , « UE – 22 demandes d’autorisations d’OGM en un an et demi », Inf’OGM, 18 décembre 2017