Décrypter l’actualité pour renforcer les organisations
Militant de la première heure, et pas seulement sur les OGM, Guy Kastler a accompagné Inf’OGM depuis ses débuts, au nom de la Confédération paysanne, de Nature et Progrès, mais aussi du Réseau semences paysannes ainsi qu’en tant qu’administrateur d’Inf’OGM sur un mandat. Jean-Luc Juthier, syndicaliste comme lui à la Conf’, a rejoint le conseil d’administration d’Inf’OGM en 2018. Tous deux témoignent des apports d’Inf’OGM.
À la fin du siècle dernier, les premières actions menées contre les OGM dans les champs, les usines de fabrication de semences et les ports par la Confédération Paysanne et Greenpeace avaient de la peine à se faire comprendre face à la propagande de l’industrie, massivement relayée par une « science officielle » et des politiques fascinés par les fausses promesses d’un avenir radieux. S’opposer aux nouvelles plantes résistant aux pathogènes, aux maladies, à la sécheresse, augmentant les rendements tout en diminuant les pesticides ne pouvait être le fait que de quelques réfractaires anti-progrès. En imposant évaluation, étiquetage et suivi des OGM, la directive 2001/18 ouvrit le débat public qui s’est alors installé dans la durée au sein de la société française malgré les tentatives désespérées de le confisquer au sein d’une Commission du Génie Biomoléculaire refusant de publier les motivations des avis divergents de quelques scientifiques dissidents.
Inf’OGM : une bouffée d’air frais
La création d’Inf’OGM fut alors une bouffée d’air frais. La Confédération Paysanne a immédiatement appuyé ce projet : la pluralité des informations et la parole enfin donnée aux scientifiques « non alignés » permettait enfin de penser puis d’argumenter. Un autre bénéfice inestimable d’Inf’OGM fut les échanges réguliers entre militants et organisations de tous les horizons. La création de la veille juridique venant compléter la veille d’information leur permit de construire une expression commune de la société civile suffisamment convaincante aux yeux des politiques qui ont limité, dans la loi de 2008, le droit de produire et de commercialiser des OGM au respect des systèmes agraires existant et des filières sans OGM puis créé un Haut Conseil des Biotechnologies ouvert aux représentants des organisations de la société civile. Les informations fournies par Inf’OGM devinrent alors encore plus indispensables : s’en sont suivies la reconduction du moratoire sur le seul OGM autorisé, le MON810, la loi interdisant la culture des maïs OGM puis celle annulant la portée des brevets en cas de contamination des semences.
On aurait alors pu croire que l’histoire était terminée et qu’on pouvait enfin passer à d’autres questions toutes aussi urgentes. C’était mal connaître la vicissitude d’une industrie qui, dès la première directive OGM de 1990, avait préparé le moyen de la contourner le moment voulu : l’exclusion des OGM obtenus par mutagénèse. Dès 2001, Inf’OGM avait alerté sur les promesses des OGM SAGE (Sans Ajout de Gène Extérieur), mais tout le monde n’avait alors de regard que pour les OGM transgéniques seuls à être alors commercialisés. Quinze ans plus tard, de nouvelles techniques SAGE sont arrivées, immédiatement baptisées « mutagénèse » afin d’échapper à la réglementation OGM (voir notre précédent dossier, Inf’OGM, le journal N°155).
Rendre la complexité compréhensible
Inf’OGM a alors, comme en 2008, alimenté la réflexion des organisations paysannes et de la société civile qui ont gagné l’arrêt de la Cour de justice européenne confirmant que la directive de 2001 rend obligatoire l’étiquetage de ces nouveaux OGM. Mais la propagande industrielle entretient soigneusement l’amalgame entre mutations naturelles, mutagénèse traditionnelle et bricolage des gènes de cellules isolées et clonées dans les éprouvettes des laboratoires avant d’être régénérées en nouvelles plantes chimériques. Elle promet à nouveau d’abondantes récoltes résistant à tout et indispensables pour nourrir la planète dans le nouveau contexte de changement climatique qui mobilise fort opportunément la jeunesse. Une immense confusion s’installe dans les esprits, peu favorable aux mobilisations citoyennes tandis que de nombreuses voix s’élèvent pour modifier la directive afin de ne pas étiqueter les nouveaux OGM.
Face à cette nouvelle offensive de l’industrie et à la complexité qu’elle entretient pour maintenir les citoyens en dehors du débat, le rôle d’Inf’OGM est plus que jamais indispensable pour répondre au besoin d’informations plurielles et transparentes de la société civile.