Débattre, informer, et mutualiser
Inf’OGM, c’est avant tout de l’information : sur les OGM, les biotechnologies au sens plus large, et aussi sur les semences. Mais ce sont aussi de nombreux échanges avec nos partenaires, français ou étrangers, des volontés de rapprochement, et d’aides à la création d’autres veilles de ce type dans le monde. Quelques exemples choisis.
Les vingt dernières années ont été consacrées par Inf’OGM à la production d’information sur les OGM et, plus récemment, sur les semences. Mais au-delà de la diffusion d’une information critique, Inf’OGM a aussi comme mission « de donner aux citoyens les éléments pour un véritable débat démocratique [et] d’amener les pouvoirs publics à une véritable transparence de l’information, et à la mise en place des conditions d’un fonctionnement réellement démocratique en ces domaines » (extrait des statuts d’Inf’OGM, janvier 2019). Ce qui nous conduit à diffuser des informations sur les lois votées, certes, mais aussi à travailler à des propositions quand il s’agit de transparence de l’information et de participation du public [1].
La notion de débat public nous tient à cœur. En effet, si l’information est la première étape pour permettre un tel débat public, cela n’est pas suffisant.
Les conditions du débat public
Inf’OGM a commencé par réfléchir aux conditions pour qu’un débat public soit pertinent et éviter l’instrumentalisation. Une réflexion qui a abouti à considérer que tout débat organisé par l’autorité publique doit d’abord être précédé d’un débat sur le débat pour que les parties prenantes se mettent d’accord sur les questions posées et les modalités de fonctionnement. Deuxième condition : le gouvernement doit s’engager, a minima, non pas à suivre aveuglément les conclusions du débat, mais à expliquer pour chacune d’entre elles ce qu’il compte en faire : les adopter/adapter ou les rejeter. Il faut a minima ces deux conditions pour le public sorte de son rôle de potiche. Ces réflexions d’Inf’OGM ont été principalement menées sous la présidence de Jacques Testart [2].
Récemment, et à plusieurs reprises, se sont tenus des débats publics. Le président Emmanuel Macron en a instauré deux : les EGAlim (sur l’alimentation) et « le grand débat » (suite aux contestations des gilets jaunes). Dans les deux cas, les conditions listées par Inf’OGM n’étaient pas remplies et nous l’avons signalé. « Pour ces EGAlim, le moins qu’on puisse en dire est que la méthode a été très floue, voire manipulatrice : entretiens bilatéraux avec seulement certains acteurs avant la consultation, dates choisies en pleines vacances d’été, pas de co-construction des questions posées, ni de diagnostic partagé… et encore moins d’accords préalables sur la procédure, peu transparente par ailleurs » [3].
Faciliter la réflexion
Outre ce travail de réflexion sur les conditions d’un débat de société ou sur la transparence de l’information, Inf’OGM a également coordonné deux publications collectives.
La première brochure, publiée en 2002, était une lettre ouverte à l’Inra, intitulée Opinion grossièrement manipulée. Ce fascicule faisait suite à la prise de position de cet institut public en faveur des essais en champ d’OGM. Ce faisant, l’Inra n’était plus un lieu d’expertise neutre mais un acteur engagé. Et plus choquant encore, son argumentaire contenait de nombreuses contrevérités. L’objet de ce livret était « d’opposer aux arguments d’autorité les éléments récents survenus dans le champ du réel et d’opposer des faits aux effets de manche » [4].
La seconde, publiée en 2004, était un livre de plaidoyer : Société civile contre OGM : arguments pour ouvrir un débat public. Cet essai appréhende la problématique des OGM sous ses dimensions scientifiques, agronomiques, écologiques, juridiques, économiques et éthiques. Il fournit les données de base pour comprendre la polémique suscitée par les OGM, mais aussi pour en envisager les alternatives. Il a été rédigé par le Collectif français pour une Conférence de Citoyens sur les OGM, large regroupement d’associations [5] qui avait demandé l’ouverture d’un vaste débat public sur les OGM. La diversité des spécialistes et des associations qui l’ont élaboré en fait un recueil majeur sur la question, aux constats toujours d’actualité. Il constitue ainsi la pièce principale, élaborée par la société civile, à verser au dossier dans le “procès des OGM”. Il s’agissait d’enclencher un vrai débat public avec le gouvernement français afin que les citoyens expriment leurs avis et leurs propositions, AVANT toute décision politique…
Des veilles continentales
Autre aspect qui a mobilisé de l’énergie et qui va au-delà de la simple production d’information, l’envie de se mettre en réseau.
L’association a coordonné des ateliers lors du Forum Social Européen qui s’est tenu à Saint-Denis (France) en 2004. De ces ateliers est née une brochure, traduite en anglais, intitulée OGM, brevets, monopoles sur les semences : résistances et propositions d’alternatives en Europe. Ces ateliers ont réuni de nombreuses organisations actives sur le sujet, première étape dans la construction d’un réseau européen. Genet, dont Inf’OGM a été adhérente longtemps, avait aussi cette ambition. Malheureusement la connexion entre ces différentes initiatives ne s’est pas produite comme nous le souhaitions. L’idée d’une « veille Europe » a perduré, mais elle se résume désormais à un échange d’informations et d’analyses, de temps en temps, via des conférences téléphoniques. Ce lien reste mais il est ténu. Et cela aussi car sur la scène européenne, les OGM ne sont plus un axe de travail important de certaines organisations.
Nous avons aussi travaillé avec les Roumains et les Bulgares en vue de les « aider » à construire une veille citoyenne d’information sur les OGM. Notre spécificité, à savoir informer de façon critique sans être militant, a été difficile à faire comprendre. Ce positionnement a quelque chose d’ingrat : il rend notre travail moins visible, nous sommes en retrait par rapport aux organisations qui font des actions ou du plaidoyer.
Ce travail de création de veilles citoyennes sur les OGM a aussi été tenté en Afrique francophone, au Sénégal, au Bénin, en Algérie. Nous avons passé du temps avec des organisations amies et alliées, nous avons proposé des formations, de l’accompagnement mais le résultat fut en dessous de nos objectifs. Éloignement géographique, manque de moyen financier, inexpérience car peut-être trop en construction nous-mêmes pour être tout à fait pertinent dans ces actions ? Nous avons malgré tout co-publié dans ces trois pays des numéros spéciaux d’Inf’OGM mais ces dynamiques ne se sont pas installées dans le temps. Ce qui ne nous empêche pas de continuer à suivre et relayer les actualités africaines du dossier OGM.
Des veilles citoyennes ? Un colloque dédié
En 2009, d’autres veilles citoyennes d’information existaient en France, notamment sur des sujets techno-scientifiques : nucléaire, téléphonie mobile, ondes magnétiques, pesticides, déchets, nanotechnologies… Nous avons alors imaginé réunir toutes ces veilles citoyennes pour échanger sur notre travail, peaufiner nos méthodes, partager nos modèles, et éventuellement travailler ensemble sur certains sujets. Organisé par Inf’OGM, un colloque regroupant tous ces acteurs a eu lieu à l’Assemblée nationale, sous l’égide de Delphine Batho [6]. L’enthousiasme de ces échanges s’est traduit par une meilleure connaissance de chacun d’entre nous, mais le quotidien de chacun a vite repris le pas. Restent quelque échanges ponctuels, mais aussi une réelle mutualisation qui a eu lieu au sein d’Inf’OGM : l’information sur les semences, avec le montage, depuis 2013, de la veille citoyenne d’informations sur les semences, en partenariat avec le réseau semences paysannes (RSP).
Un chemin encore long
Comme toute organisation militant pour un monde meilleur (pour nous, un monde où l’information ne soit pas dévoyée par les lobbies, soit accessible au plus grand nombre et permette de faire des choix éclairés), notre vocation est de disparaître dès que nos objectifs sont atteints. Le ralentissement de l’expansion des OGM transgéniques a pu expliquer la relative désaffection de notre public. Mais la renaissance du sujet via les OGM nouvelle génération (issus pour la plupart de mutagénèse, voir notre précédent dossier) augure une recrudescence des informations pour qu’une fois encore, le public sache et décide – si tant est qu’on lui donne le choix – en connaissance de cause. C’est notre nouveau défi.
[1] , « FRANCE – Participation et information du public sur les OGM : quelques propositions de la société civile pour la future loi », Inf’OGM, 17 novembre 2010
[2] , « Un outil unique pour la démocratie : la Convention de Citoyens », Inf’OGM, 7 mai 2018
[3] , « Un « débat sur le débat » : une nécessité pour Inf’OGM », Inf’OGM, 6 juillet 2018
[4] Opinion grossièrement manipulée, , « Lettre ouverte à l’INRA », Inf’OGM, 16 octobre 2002
[5] Attac, BEDE, Confédération Paysanne, Coordination Nationale de Défense des Semences Fermières, Ferme de la Bergerie, Fondation Sciences Citoyennes, France Nature Environnement, FRAPNA Ardèche, Geyser, Giet, Greenpeace, Mouvement pour le Respect des Droits des Générations Futures, Nature et Progrès, Solagral.
[6] , « Veilles citoyennes d’informations : une première reconnaissance nationale », Inf’OGM, 20 janvier 2010