Entre « urgence globale » et « urgence nationale », quel choix de société ?
Face à l’émotion et aux sentiments qui ont animé chacun d’entre nous suite aux attentats perpétrés à Paris mais aussi au Liban, au Mali… notre association Inf’OGM, en tant que veille citoyenne d’information, fait face à « la stratégie du choc » [1] en réaffirmant l’importance des outils citoyens dans l’accès à l’information et dans la participation au choix de société, à la veille des décisions qui seront prises lors de la COP21.
Beaucoup a été dit sur les attaques meurtrières qui ont eu lieu à Paris et Saint-Denis le 13 novembre, et dans de nombreux autres pays, Liban, Nigeria, Mali, Tunisie, etc. [2]. A Inf’OGM comme ailleurs, nous avons été choqués par ces actes de violences et ce qu’ils engendrent, nous pensons aux victimes et à leurs familles.
La mission d’Inf’OGM n’est pas d’intervenir sur la géopolitique internationale ou la sécurité nationale, d’autres structures le font. Nous nous abstiendrons de commenter les causes de ces événements et leurs conséquences humaines terribles.
Inf’OGM, en tant que veille citoyenne d’information, défend l’implication de la société civile dans les décisions, notamment techno-scientifiques, qui la concernent. Par exemple, en matière de climat, Inf’OGM a toujours pris soin de montrer comment les entreprises semencières internationales cherchent à obtenir des « crédits carbones » pour leurs technologies alors qu’elles sont actuellement, et principalement en Amérique latine, responsables de la déforestation, ce qui participe à la destruction de l’humus des sols, et s’accompagne de fortes pulvérisations d’herbicides et d’engrais de synthèse. En résumé, notre travail consiste à établir concrètement des liens entre des décisions politiques et scientifiques, la façon dont elles sont prises, et leurs conséquences sur les paysans, les modes de vie ou les éco-systèmes. Pour Inf’OGM, « État d’urgence » et « Urgence climatique » sont liés et relèvent de choix de société. Des choix de société qui sont politiques au premier sens du terme et qui nécessitent d’être contextualisés et décrits précisément afin de permettre aux citoyens de jouer pleinement leur rôle.
A ce titre, l’annonce par le gouvernement français de ne pas autoriser les manifestations publiques entourant la COP21 nous préoccupe quant au poids que pourront peser certains acteurs de la société civile, particulièrement les victimes du réchauffement climatique, absents à la table d’une négociation entre représentants officiels des États. Car du fait du financement de cet évènement par certaines multinationales, force est de constater la présence de forces économiques qui pourront facilement faire entendre leurs voix, quand des forces citoyennes populaires sont écartées du débat suite aux évènements du 13 novembre. Dans ce nouveau contexte, comment assurer que soient entendues les nombreuses populations qui subissent les effets du réchauffement, en particulier ceux des pays dits du Sud, les plus pauvres ? Comment le dialogue entre le Nord fortement émetteur de gaz à effet de serre et le Sud fortement impacté par les modes de consommation de l’Occident, va s’organiser ?
Toute catastrophe dans le Sud aura un impact dans le Nord… et inversement
De nombreuses personnes des territoires touchés par le changement climatique n’auront aucune chance dans le contexte actuel d’obtenir le droit d’entrer en France à l’occasion de la COP21, malgré le caractère urgent et irréversible des décisions qui seront prises et qui engagent leur survie. Dès lors, quelle sera la valeur d’un processus visant à prendre des décisions pour elles, sans une juste représentation et participation de la diversité des acteurs et de leurs solutions ?
Alors que nous savons que les dérèglements climatiques et écologiques sont l’un des facteurs les plus importants de déplacements de populations, de famines et de tensions (pour l’accès aux ressources raréfiées notamment), toute décision prise en décembre à Paris engagera l’avenir des pays du Sud et la responsabilité des acteurs (États, entreprises…) émetteurs de gaz à effet de serre. Toute destruction, toute catastrophe dans le Sud aura un impact dans le Nord et inversement.
Le réchauffement climatique est l’affaire de tous et la recherche d’un consensus autour de solutions alternatives impliquant la société civile est indispensable.
Ainsi, afin de répondre aux urgences climatiques et sociales qui ont été déclarées il y a plusieurs années par la société civile, la coalition Climat 21, qui rassemble plus de 130 organisations de la société civile, des syndicats, des associations de solidarité internationale, des organisations confessionnelles, des ONG de défense des droits humains, de l’environnement ou encore des mouvements sociaux, appelle à la créativité, dans la non-violence et le respect, pour que soit maintenu ce débat démocratique et participatif (sur ce sujet et sur d’autres). Fidèle à sa mission, Inf’OGM ne peut que soutenir cet appel de la coalition Climat 21.