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Échec d’un manioc OGM « biofortifié »

Par Christophe NOISETTE

Publié le 26/02/2020

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En 2012, un article sur la « biofortification » en protéines d’un manioc a été rétracté : ses auteurs n’ont pu en effet démontrer la présence des gènes revendiqués. Cependant, les recherches sur ce thème continuent.

Un article paru dans Plos One en 2011 [2], vantait les mérites d’un manioc génétiquement modifié pour augmenter le taux de protéines dans cette racine tubéreuse très consommée en Afrique. C’est cet enrichissement en micronutriment que, faute de mieux pour le moment, la communauté internationale nomme la « biofortification » [3].

Le gène de la zéoline a disparu

Les chercheurs affirmaient qu’ils avaient réussi à faire exprimer par transgenèse « la zéoline, une protéine de stockage nutritionnellement équilibrée sous le contrôle du promoteur de la patatine [4] » dans les plants de manioc qu’ils avaient expérimentés en champs. Cette modification génétique, affirmaient-ils encore, « a permis d’obtenir des niveaux de protéines totales de 12,5 % en poids sec dans ces tissus, soit une augmentation de quatre fois par rapport aux témoins non transgéniques ». En soutenant que la biofortification transgénique améliorait la sécurité alimentaire, cet article allait-il servir de cheval de Troie des OGM en Afrique ? Non, car il a été rétracté en 2012, suite à une enquête institutionnelle par le comité sur l’intégrité de la recherche au Donald Danforth Plant Science Center, enquête qui n’a pas permis de corroborer les résultats annoncés.

Concrètement, « les auteurs n’ont pas été en mesure de confirmer la présence du gène de la zéoline dans les plants de manioc transgéniques dans plusieurs études ultérieures », précise un article de Retraction Watch [5]. Étant donné que la validité des résultats n’a pas pu être vérifiée, et conformément à la recommandation émise par l’institution de l’auteur correspondant, les auteurs se sont rétractés.

Lors d’une nouvelle analyse des plantes estampillées transgéniques, les plasmides et le matériel transgénique se sont avérés dépourvus des gènes clés (ceux qui codent pour les deux protéines – la zéoline p35S et la zéoline pPatatin). Il y avait effectivement des plasmides, et les plantes étaient effectivement transgéniques, mais pas avec les transgènes attendus.

Le Directeur du Centre, M. Carrigton, interrogé par Retraction Watch, précise : « Nous n’avons pas pu apporter de preuve concluante sur la manière dont les données ont été générées ».

En juillet 2011, l’AFIS a (…)

En juillet 2011, l’AFIS a décidé de communiquer sur ce manioc… L’article signé Louis-Marie Houdebine vante donc les mérites de « ce manioc dopé au protéine » [6] : « Le Donald Danforth Plant Science Center, (St. Louis, Missouri, USA) a réussi à obtenir un manioc génétiquement modifié qui contient quatre fois plus de protéines que son homologue traditionnel. Ceci a été rendu possible en transférant dans le manioc le gène de la zéoline, une protéine présente dans de nombreuses plantes comestibles et connue pour contenir une proportion équilibrée d’acides aminés. La plante ne présente pas d’altération de ses propriétés agronomiques et la quantité d’amidon qu’elle contient n’est pas diminuée. La valeur alimentaire du manioc se trouve donc ainsi très significativement améliorée en qualité et en quantité ».

L’AFIS a mentionné, dans un article publié deux ans après, la rétractation de l’article. L’association conclut que « ce type de tricherie devient une véritable plaie pour la recherche, toutes disciplines confondues ».

D’autres projets dans les cartons

Cette étude a été financée par la Fondation Gates dans le cadre de son programme BioCassava Plus. La Fondation Gates a continué à financer d’autres travaux du Centre après cette rétractation.

Par ailleurs, la recherche sur le manioc est une partie importante de l’activité du Danforth Center. Mais M. Carrington soutient que cette rétractation n’invalide pas les autres travaux sur le manioc. Le directeur du centre annonce d’ailleurs un projet de manioc transgénique enrichi en vitamine. Le site du Centre évoque en effet un projet de recherche Biocassava [7], projet sur lequel ont travaillé deux des auteurs de l’article rétracté (Nigel J. Taylor et Dimuth Siritunga), réalisé conjointement avec des instituts au Nigeria et au Kenya, et soutenu par la Fondation Gates… Des essais en champs « confinés » ont d’ores et déjà été implantés à Puerto Rico, en Ouganda, Kenya et Nigeria. Ce projet s’est terminé en 2016. Le site évoque aussi un autre projet de recherche : Virca Plus qui prévoit de produire du manioc transgénique non seulement « biofortifié » mais aussi capable de résister à des attaques virales. Ces deux projets n’ont pas encore donné naissance à des semences autorisées et cultivées.

[2Plos One, Transgenic Biofortification of the Starchy Staple Cassava (Manihot esculenta) Generates a Novel Sink for Protein (La biofortification transgénique du manioc féculent (Manihot esculenta) génère un nouveau puits de protéines), 2011.

[4La patatine est une glycoprotéine que l’on trouve dans les pommes de terre (Solanum tuberosum). La principale fonction de la patatine est d’être une protéine de stockage mais elle a aussi une activité de lipase et peut cliver les acides gras des lipides membranaires. La patatine représente environ 40 % des protéines solubles des tubercules de pomme de terre. https://fr.wikipedia.org/wiki/Patatine

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