Inf’OGM : 20 ans d’expertise et de mobilisation
Avant même la création d’Inf’OGM en juin 1999, plusieurs acteurs de la société civile, dont José Bové, étaient impliqués dans un des programmes de la Fph autour de l’agriculture [1]. Ayant identifié un besoin criant d’informations autour du nouveau thème des OGM, quelques réunions plus tard, ils montaient Inf’OGM. José Bové témoigne du chemin parcouru depuis lors.
Lorsque les OGM sont sortis des laboratoires à la fin des années 1990, les grandes compagnies de l’agribusiness ne doutaient pas de leur succès. Les plantes génétiquement modifiées étaient promises à un avenir radieux. Tous les mensonges étaient convoqués pour convaincre les décideurs politiques et les gouvernements, que l’agriculture entrait dans une nouvelle phase de progrès. Les actionnaires se frottaient les mains.
Développer une connaissance fine
Parallèlement aux manifestations, aux destructions de parcelles, aux procès, aux meetings, il était indispensable de développer une connaissance fine de la situation tant dans les champs que dans les méandres des parlements et des agences de contrôle, tant sur le plan juridique que sur le plan technique.
Au cours des 20 dernières années, Inf’OGM a réalisé un travail indispensable de suivi de ce dossier complexe. L’arrivée des OGM de seconde génération, la mutagénèse, et des techniques complexes, font que nous avons de plus en plus besoin de pouvoir compter sur une analyse précise, fiable et rapide.
Au cours des dix derniers années, la bataille au Parlement européen a été rude. Mais elle n’a pas été inutile, au contraire. Depuis cinq ans, le Parlement européen s’est opposé systématiquement par des résolutions à l’introduction de nouvelles variétés d’OGM. Ces textes ne sont pas contraignants. Ils indiquent cependant que la majorité des députés européens refuse que l’agriculture européenne fasse un copier-coller de ce qui se passe aux États-Unis ou en Amérique latine.
Mais la tension reste forte en particulier sur la définition des nouveaux OGM. L’industrie soutient que les nouvelles techniques, telle que la mutagénèse, ne créent pas d’OGM. Les nouvelles variétés donc doivent être exemptées du respect des règles minimalistes européennes. Le Commissaire européen, Vytenis Andriukaitis, allait dans cette direction, mais la Cour de justice de l’Union européenne, saisie par des associations et des syndicats, a remis la Commission en place : les nouvelles techniques qui permettent de bricoler au cœur du noyau des cellules induisent bel et bien des modifications génétiques.
Inf’OGM : une référence européenne
Pour de nombreux députés, qu’ils soient nationaux ou européens, Inf’OGM est le site Internet vers lequel ils se tournent pour obtenir une information claire et précise. En 20 ans, cette association est devenue une référence au niveau européen. Elle a su élargir son lectorat en publiant en français, en anglais et en espagnol. Peu à peu, elle s’est européanisée, et a ainsi contribué à renforcer les mouvements opposés aux OGM dans tous les pays de l’Union européenne, et au-delà.
Plus que jamais, la bataille se concentre sur l’appropriation des semences et du vivant. Le nouveau Règlement européen sur la bio a permis une avancée importante : la possibilité pour les producteurs de semences bio de vendre sans remplir les conditions drastiques qui ont été imposées par Monsanto, Bayer et les autres.
Les actions entreprises ces quatre dernières décennies commencent enfin à porter leur fruits. L’agriculture biologique est en expansion dans tous les pays de l’UE. De plus en plus de paysans et de consommateurs veulent une alimentation saine, les pesticides sont placés à l’index, le glyphosate est enfin considéré comme ce qu’il est à savoir un poison dangereux, tant pour les hommes ou l’environnement. Les grandes compagnies comme Bayer sont sur la défensive. L’agriculture chimique et productiviste perd peu à peu de sa suprématie, de sa morgue. Ces signes sont encourageants, mais nous ne devons pas baisser les bras.
Les généticiens bénéficient toujours d’aides colossales de la part des pouvoirs publiques pour concocter de nouveaux outils, les organismes de recherche continuent a faire des OGM l’alpha et l’oméga de la lutte contre la faim dans le monde. Dans ces conditions, le travail d’Inf’OGM est indispensable.
En 1999, qui aurait parié que nous soufflerions les 20 ans d’Inf’OGM ? Mobilisons-nous pour qu’elle continue à grandir, à se renforcer sans rien perdre de sa fougue, de sa créativité et de sa réactivité.
[1] voir , « Au commencement, une fondation… », Inf’OGM, 12 novembre 2019