Moins de CO2 avec les OGM ?
Les promoteurs des plantes transgéniques tentent toujours de verdir leur innovation. Comment ? En communiquant sur les avantages supposés comme, depuis quelques années, l’économie de gaz à effet de serre (GES) (dont le CO2) que les plantes transgéniques permettraient de réaliser. Qu’en est-il exactement ?
Le VIB (un institut flamand public de biotechnologie) écrit : « depuis leur introduction, les cultures de plantes [génétiquement modifiées (GM)] tolérant les herbicides ont entraîné une diminution de 16,8 millions de tonnes d’émissions de CO2 et de 6,3 milliards de litres de carburant, soit l’équivalent de près de 7,5 millions de voitures qui ne circuleraient pas pendant un an ». On retrouve ces mêmes données dans les rapports de l’Isaaa, institut privé d’informations liées aux industries semencières.
Ces estimations, nous précise le VIB, proviennent en majorité d’une « étude » de PG Economics, un cabinet d’analyse économique… Sylvie Bonny, chercheuse à l’Inra, précise à Inf’OGM que « beaucoup de travaux pro-OGM en matière économique et environnementale reprennent en fait les résultats des publications de Brookes et Barfoot, de PG Economics, dont les études sont assez biaisées ».
Des extrapolations douteuses
PG Economics justifie ces résultats par de vagues estimations et extrapolations. Point de départ : si une plante Bt produit un insecticide, les agriculteurs n’ont pas à le pulvériser ; et si les variétés Roundup Ready tolèrent cet herbicide, elles facilitent également le travail de l’agriculteur, permettent de pratiquer le sans labour qui est un gain de passage de tracteurs, et permet aux sols de stocker plus de CO2. Par exemple, le rapport de PG Economics mentionne trois études avec un échantillonnage faible qui compare la quantité de diesel utilisé pour du maïs ou du soja cultivés avec ou sans labour. Seule la deuxième étude intègre le diesel utilisé pour « deux pulvérisations », les autres omettant donc le passage de glyphosate utilisé pour réaliser ce « sans labour »… Ces « études » omettent aussi le coût écologique de la production du glyphosate épandu dans le champ de PGM cultivé sans labour. Nulle mention en effet de la quantité de gaz à effet de serre émis dans l’atmosphère pour la production d’un litre d’herbicide… Et c’est à partir de ces quelques données contestables que PG Economics extrapole à l’ensemble de la planète…
Interrogé par Inf’OGM, Bruno Parmentier, économiste et ancien directeur général de l’École supérieure d’agriculture d’Angers, nous explique qu’il est impossible, du moins extrêmement compliqué, de « chiffrer de façon crédible le nombre de passages de tracteurs en moins sur les parcelles OGM, que ce soit parce qu’on ne laboure plus ou parce qu’on étend moins d’insecticide ». Il continue : « L’économie essentielle de gaz à effet de serre via le non labour est plutôt le protoxyde d’azote (un gaz 298 fois plus réchauffant que le CO2, qui cause la moitié des émissions de gaz à effet de serre de l’agriculture ; il est essentiellement dû à la décomposition des résidus d’engrais minéraux azotés exposés à l’atmosphère après labour)… et là encore je ne saurais pas le chiffrer. Et faut-il associer ainsi le sans labour et les OGM ? Fort heureusement il y a aussi des agriculteurs sans labour qui n’utilisent pas les OGM ! Et il existe du sans labour sans glyphosate et du sans labour sans engrais minéraux azotés ». Il conclut que « les vrais bilans carbone sont très difficiles à faire »…
D’autres émissions de CO2 négligées
Interrogée par Inf’OGM, Cyrielle Denhartigh, du Réseau Action Climat (RAC-F), considère elle aussi qu’un tel bilan, ainsi calculé, reste tout à fait lacunaire. « Admettons qu’une plante modifiée permette de diminuer les passages en tracteur, qu’en est-il de l’analyse du cycle de vie [1] global de la plante transgénique ? En effet, pour la France, les consommations d’énergie du secteur agricole (dont les tracteurs ne représentent qu’une petite partie) ne représentent que 8 % des émissions de GES du secteur agricole. Ce n’est donc vraiment pas la priorité pour réduire l’impact de l’agriculture sur le climat. Par contre un OGM doit être fabriqué, conditionné, transporté, etc. ». Et, toute cette chaîne de fabrication émet des gaz à effet de serre qu’un paysan qui fait ses semences n’a pas.
[1] L’analyse du cycle de vie est une méthode d’évaluation normalisée (ISO 14040 et ISO 14044) permettant de réaliser un bilan environnemental multicritère et multi-étape d’un système (produit, service, entreprise ou procédé) sur l’ensemble de son cycle de vie (Wikipedia).