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Zika – La République dominicaine ne veut pas du moustique OGM, l’OMS demande plus d’étude
Le virus Zika continue d’avancer, notamment en Amérique latine. Tous les pays de la zone caribéenne sont désormais touchés. Selon un rapport épidémiologique de l’Organisation de la Santé pan-américaine (Pan American Health Organization, PAHO), 24 pays (sur les 35 du continent américain) ont confirmé la présence du virus Zika sur leur territoire. Mais pour la majorité de ces pays, ainsi que pour l’OMS, le lâcher de moustiques génétiquement modifiés n’est pas une solution.
En janvier 2016, la République dominicaine recensait au moins dix personnes touchées par le virus. Un plan d’urgence a été mis en place et des ressources financières ont été débloquées [1]. Ce plan prévoit notamment de réduire la population du moustique vecteur, Aedes ægypti. Le ministère de la Santé de la République dominicaine souligne avoir tiré des leçons de l’épidémie de chikungunya en 2014 / 2015. La secrétaire permanente du ministère de la Santé et de l’Environnement, Helen Royer, enthousiaste, déclarait à la presse :« Le gouvernement a demandé au ministère de la Santé de mettre en place effectivement le plan Zika, et comme lors de l’épidémie de chikungunya, nous sommes convaincus que grâce au soutien [de la population], nous allons réussir ».
Utiliser des méthodes « classiques » plutôt que les moustiques GM
Les agents de l’État ont donc pour mission de tenter d’éliminer les points d’eau stagnante favorables à la reproduction du moustique (pneus, vieux frigos, etc.), de traiter les zones de reproduction avec des outils biologiques (dont des poissons – voir plus bas) ou chimiques, et de ne pulvériser des insecticides que dans les zones fortement infestées ou celles où des cas de maladie ont été recensés.
En revanche, la République dominicaine a précisé, le 23 février 2016, qu’elle n’entendait pas utiliser le moustique génétiquement modifié (GM) par l’entreprise anglaise Oxitec, moustique qui est censé réduire drastiquement la population sauvage [2]. En théorie, seuls les mâles transgéniques sont lâchés dans la nature, et en s’accouplant avec des femelles sauvages, ils produisent des larves qui, en théorie toujours, n’atteignent pas le stade adulte. Ces lâchers concernent des millions d’individus et doivent être réalisés régulièrement pour maintenir la population sauvage à un niveau peu problématique.
Actuellement quatre pays ont réalisé des expérimentations avec ce moustique : les îles Caïmans (un territoire britannique), la Malaisie, le Brésil et le Panama. Le Brésil a été convaincu par le moustique GM au point de l’autoriser commercialement [3] alors que la Malaisie a précisé qu’elle ne souhaitait pas aller plus loin dans le développement de cette technologie, considérée comme « trop coûteuse et inefficace » [4].
Le Dr Kenneth Darroux, ministre de la Santé de la République dominicaine, soulignait au cours d’une conférence de presse que « cette proposition [d’utiliser des moustiques transgéniques] est sur notre table depuis plusieurs années », mais qu’il n’entend pas lui donner suite : « Je veux préciser clairement que les ministres de la santé des pays membres de l’organisation des États de la Caraïbe orientale (OECO) [5] et le ministère de la santé de la République dominicaine ont déclaré catégoriquement ne pas vouloir s’engager dans des discussions tant que nous n’aurons pas de preuve scientifique de l’innocuité sanitaire de ce moustique. (…) Ce moustique entrera dans l’eau et dans la chaîne alimentaire. Nous avons besoin de beaucoup d’informations concrètes avant de nous engager auprès de ces entreprises qui font du lobby pour qu’on utilise cette méthode ».
Le forcing d’Oxitec en échec, même auprès de l’OMS
Oxitec a aussi proposé d’organiser des lâchers de moustiques GM en Inde, à Singapour, en Thaïlande, au Viêt Nam, aux Philippines, au Costa Rica, à Trinidad & Tobago et en Nouvelle-Calédonie (Territoire d’Outre-mer français [6]) [7], sans avoir obtenu, du moins officiellement, une réponse positive.
L’Organisation mondiale de la Santé (OMS) a publié sur son site le 17 février 2016 un long article [8] consacré aux techniques « conventionnelles et nouvelles » pour lutter contre le moustique Aedes ægypti.
Dans ce communiqué, l’OMS reconnaît tout d’abord que le moustique s’est adapté et qu’il « prolifère dans les zones pauvres et surpeuplées sans eau courante et où les déchets et les ordures sont mal collectés ». Autre préalable mis en exergue par l’OMS : la recrudescence actuelle des maladies comme la fièvre jaune, la dengue, Zika ou le chikungunya est liée à une baisse de la vigilance collective. « A la fin des années 60, la plupart des maladies transmises par les moustiques n’ont plus été considérées comme un problème majeur de santé publique en dehors de l’Afrique. (…) Or quand une menace pour la santé publique disparaît, le programme de contrôle meurt ». Cette baisse de la vigilance a, par ailleurs, coïncidé avec une évolution de l’environnement – « accélération de la croissance démographique, urbanisation rapide et chaotique, changement dans l’affectation des terres » – favorable au développement du moustique, et avec le développement important de résistances des moustiques aux insecticides.
L’OMS encourage donc les États à mettre en place une stratégie pour contrôler les moustiques et souligne que « l’élimination des sites de reproduction des moustiques est l’intervention la plus efficace pour protéger les populations ». L’OMS souligne qu’il existe désormais des nouvelles techniques de contrôle des moustiques en disséminant des insectes stériles (via la transgenèse ou l’irradiation) ou infectés par Wolbachia [9]. Concernant le moustique GM, l’OMS « recommande davantage d’essais en champ et d’études de risques afin d’évaluer l’impact de ce nouvel outil dans la transmission de la maladie ». L’OMS évoque aussi l’utilisation de méthodes biologiques dans le cadre d’une approche intégrée de la lutte contre les moustiques, comme celle actuellement pratiquée par le Salvador qui consiste « avec un fort soutien des communautés de pêcheurs, à introduire des poissons qui se nourrissent des larves de moustiques dans les conteneurs de stockage d’eau ».
L’OMS encourage ainsi les pays touchés à « expérimenter judicieusement ces nouvelles approches ».
[2] http://news.gov.dm/index.php/news/3393-health-minister-says-no-to-genetically-modified-mosquitoes
[3] , « BRESIL – Le moustique OGM attend finalement la validation de l’agence sanitaire », Inf’OGM, 16 avril 2016
[4] , « La Malaisie abandonne le « moustique OGM » contre la dengue », Inf’OGM, 26 mars 2015
[5] « L’OECO se compose actuellement de neuf États membres, répartis sur les petites Antilles. Ensemble, ils forment un archipel presque ininterrompu », https://fr.wikipedia.org/wiki/Organisation_des_%C3%89tats_de_la_Cara%C3%Afbe_orientale. La Guadeloupe et la Martinique font partie de cette organisation, http://www.guadeloupe.franceantilles.mobi/actualite/une/quelle-place-prendre-dans-la-caraibe-08-11-2012-193266_23.php
[6] voir ,
, « Des OGM « cachés » dans les pays et territoires d’Outre-mer ? », Inf’OGM, 23 septembre 2015
[7] Voir la lettre de Stop OGM Pacifique aux autorités de Nouvelle Calédonie qui mentionne une demande d’Oxitec à l’Institut Pasteur : http://www.stopogmpacifique.org/2015/10/01/moustique-transg%C3%A9nique-%C3%A0-quelle-sauce-sera-t-on-piqu%C3%A9/
[8] « Mosquito control : can it stop Zika at source ? », http://www.who.int/emergencies/zika-virus/articles/mosquito-control/en/
[9] , « Lutte contre la dengue : des alternatives aux OGM », Inf’OGM, 27 mars 2016