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CHINE – Expérimentation (illégale ?) sur des enfants chinois nourris avec du riz doré génétiquement modifié (OGM)
Un article publié en juin 2012 dans le journal American Journal of clinical nutrition [1] vient de déclencher une pagaille scientifique et politique. Cosigné par des chercheurs étatsuniens et chinois, cet article indique que 68 enfants âgés de six à huit ans ont été nourris avec trois régimes différents : du riz doré, des capsules d’huile contenant du ß-Carotène ou des épinards, légume connu pour contenir des grandes quantités de vitamine A. Objectif de l’étude : déterminer quel régime est le plus efficace pour palier la carence en vitamine A. Le ß-carotène est une molécule qui est convertie en vitamine A après ingestion. Selon les résultats présentés, le « ß-carotène présent dans le riz doré est aussi efficace que celui administré via des capsules et plus efficace que celui présent dans les épinards pour fournir de la vitamine A aux enfants. Un bol de 100 à 150 g de riz cuit peut fournir 60% des besoins en vitamine A des enfants de six à huit ans ».
Greenpeace a réagi la première le 3 septembre pour dénoncer un essai qu’elle juge illégal, le gouvernement chinois lui ayant confirmé en juillet 2008 que les tests avaient été annulés [2]. Face à ce qu’elles considéraient comme des accusations, les autorités chinoises du Hunan (province où les essais ont eu lieu) ont démenti ces tests deux jours plus tard, affirmant via un porte-parole de la ville de Hengyang qu’une étude était bien en cours sur 68 enfants mais qu’elle ne contenait aucun aliment transgénique [3]. Le porte-parole précisait qu’aucun institut étatsunien ne participait à cette étude. S’agit-il alors de deux études différentes, d’une méconnaissance du dossier ou de mensonge des autorités chinoises ? Toujours est-il que dans la foulée, l’Institut étatsunien Tufts, partie prenante de l’article publié, confirmait que des enfants avaient été « utilisés » dans le cadre de cette recherche. Selon la porte-parole de l’université, Andrea Grossman, les règles morales et éthiques ont été respectées et l’accord des autorités chinoises et étatsuniennes obtenus [4].
Un article publié par Science une semaine plus tard, le 11 septembre, donne quelques clefs de lecture supplémentaires [5]. Les scientifiques chinois, partie prenante de cette recherche, ont pris du recul par rapport à l’article, le Dr Yin Wang de l’Académie des sciences médicales de Zhejiang affirmant même, dans le Quotidien du peuple, ne pas être au courant de l’article dont il est pourtant cosignataire. Le Centre chinois de contrôle et de prévention des maladies (CDC) a confirmé de son côté qu’une telle recherche avait eu lieu mais que seule l’Université Tufts était en charge des essais avec le riz doré. Le journal Science précise qu’un des auteurs de l’étude, Yin Shi’an du CDC, a été suspendu de son poste par son employeur.
Finalement, à ce jour, la seule certitude sur l’existence de cette recherche est donc l’article de juin. Selon la description de l’étude publiée sur le site du journal scientifique, ce ne sont pas comme indiqué dans l’article 68 mais 72 enfants qui ont servi de cobayes à cette recherche. Ils ont reçu, le jour du lancement de l’étude, un déjeuner contenant des épinards (soit 1 mg de ß-carotène), du riz doré (soit 0,5 mg de ß-carotène) ou des capsules de ß-carotène (soit 0,5 mg). Et pas d’autres repas différentiés les jours suivants. Des prélèvements sanguins furent ensuite effectués aux 1er, 3°, 7°, 14° et 21° jours. Et les résultats publiés en juin 2012. Mais aucune trace dans cette étude d’analyse de risques sanitaires liés à la consommation de cette plante…
Cette expérience sur des enfants pose plusieurs questions, notamment démocratiques. En effet, à quelles occasions les citoyens ont-ils pu exprimer le besoin ou l’envie d’un tel produit pour tenter de résoudre un problème de santé publique (la carence en vitamine A) ? Et ce, via une expression libre et non pas comme lors de consultations publiques où la parole est souvent prise en otage par le débat scientifique, débat qui exclut de facto de nombreuses personnes. Il semble qu’ici, les promoteurs de ce riz doré ne cherchent qu’à forcer son acceptation en pariant sur le fait que le public serait plus « émerveillé » par les résultats que scandalisé par le manque de démocratie.
Pour rappel, le riz doré fait depuis longtemps polémique : cette plante génétiquement modifiée (PGM) est en effet utilisée comme symbole pour promouvoir l’ensemble des PGM [6].
[6] Noisette, C., « Riz doré : une mystification ? », Inf’OGM ACTU n°17, février 2009