Aux Etats-Unis, les résistances aux herbicides se multiplient
Aux États-Unis, les cas de plantes GM cultivées, échappées des champs et des camions, et retournées à l’état sauvage, se multiplient. Une étude scientifique montre que dans le Dakota du nord, 80% des colzas sauvages sont issus de PGM. Des agriculteurs ont rapporté au congrès des États-Unis leur incapacité à mener des cultures du fait des plantes résistantes aux herbicides à base de glyphosate. Une situation qui a conduit Monsanto à subventionner des agriculteurs afin qu’ils puissent acheter d’autres herbicides que le Roundup pour se débarrasser des herbes résistantes.
Cynthia Sagers, de l’Université d’Arkansas, se montre directe quant il s’agit de rapporter les conclusions de son étude. « L’ampleur de la dissémination est sans précédent. […] Les protocoles de réglementation visant à réduire ou prévenir la dissémination et la prolifération de cultures transgéniques sauvages sont inefficaces. La traçabilité et la gestion actuelles des OGM sont insuffisantes ». A l’origine de ce constat, un travail mené par cette chercheuse et son équipe, présenté lors d’une conférence de la société états-unienne d’écologie en août 2010 [1]. Du 4 juin au 23 juillet 2010, les scientifiques ont prélevé sur les routes du Dakota du nord, tous les huit kilomètres, des plants de colza sauvages. Après analyses, les chercheurs ont conclu que 80% des plantes sauvages prélevées contenaient au moins un transgène conférant une résistance à un herbicide (41% résistant au RoundUp de Monsanto, contenant le glyphosate, et 40% résistant au Liberty de Bayer, contenant le glufosinate). Deux plants contenaient les deux transgènes, démonstration pour les scientifiques que ces derniers ont commencé à se croiser et à donner naissance à des PGM n’existant nulle part ailleurs. Enfin, la localisation géographique de ces plantes GM férales (c’est-à-dire retournées à l’état sauvage) est également alarmante puisqu’elles se trouvent non seulement à proximité de cultures de plantes GM mais également le long de routes, près de stations-services ou de magasins, et souvent éloignées de zones de production agricole. Pour C. Sagers, une origine possible est donc le transport de récoltes par camion bien que le fait de n’avoir prélevé que le long des routes biaise les conclusions possibles quant à l’origine de ces disséminations.
Rabais de Monsanto sur des cocktails d’herbicides
Les travaux d’un ancien directeur du bureau à l’agriculture de l’Académie des sciences états-unienne, Charles Benbrook, montrent que, de 1996 à 2009, l’utilisation des PGM tolérant des herbicides a provoqué une augmentation de l’utilisation d’herbicide de 173 500 tonnes. Cette augmentation explique aussi l’apparition de mauvaises herbes résistantes.
Depuis 2008, les témoignages d’agriculteurs faisant face ce problème se multiplient. Ainsi, ce même été 2010, le sous-comité de supervision des politiques domestiques du Congrès des Etats-Unis s’est intéressé à l’impact des cultures GM sur l’environnement. Et dans le cadre de leurs auditions, celle de Tony Roush a fait du bruit [2]. Cet agriculteur de l’Indiana, vice-président de l’association nationale des cultivateurs de maïs, est venu expliquer comment l’apparition d’herbes résistantes au glyphosate en 2005 l’a amené à utiliser de plus en plus de RoundUp sur les conseils de Monsanto, puis à utiliser en 2007 un autre herbicide appelé Canopy, contenant un principe actif différent du glyphosate, pour finir en 2008 avec un cocktail d’herbicides, sans toutefois résoudre le problème. Selon lui, seuls le retour au labourage des terres ou l’utilisation d’herbicides encore plus forts sont aujourd’hui possibles pour se débarrasser de ces herbes. Mais quel aveu d’échec ! On sait que Monsanto vantait les PGM à la fois pour le non labour qu’elles permettaient, réduisant ainsi, selon la multinationale, le réchauffement climatique ; et pour la diminution des biocides utilisés. Si ce constat était contesté [3], il est intéressant que même Monsanto ne le nie plus. Au point que l’entreprise a mis en place en octobre, une offre de rabais pour les agriculteurs qui multiplient les herbicides pour lutter contre les herbes résistantes au RoundUp [4]. Pour les cultivateurs de coton, cette offre consiste en une réduction de 38 euros par hectare et de six euros pour ceux cultivant du soja, sommes représentant de 25 à 35% du surcoût de ces herbicides.
Ce témoignage est le reflet d’une situation qui se renouvelle donc chaque année. Dans les Etats du Michigan, de Géorgie et d’Arkansas, les agriculteurs avaient également fait face à une plante résistante au glyphosate, l’amarante. Des agriculteurs du Michigan avaient expliqué en 2008 ne pas vouloir en arriver à la même situation qu’en Géorgie où des agriculteurs avaient abandonné leur ferme mais que leur situation était dramatique.
Une administration peu transparente
Dans l’Oregon, c’est un gazon transgénique de type agrostide de l’entreprise Scott, résistant au glyphosate, qui a été retrouvé disséminé dans la nature [5]. Le constat a été effectué en 2010 par Carol Mallory-Smith, de l’Université d’Oregon, sur des échantillons envoyés par des agriculteurs puis confirmé sur des plantes ramassées dans des fossés d’irrigation de l’Etat. Selon la scientifique, ces plantes pourraient avoir disséminé depuis plusieurs années. Avertis par C. Mallory-Smith, ni le département d’agriculture de l’Oregon ni le ministère états-unien à l’Agriculture n’ont accepté de rendre l’information publique alors même que cela aurait permis aux agriculteurs de s’organiser pour réagir. Seuls deux herbicides sont autorisés dans les fossés d’irrigation, tous deux à base de RoundUp ! Ils sont donc inefficaces sur les herbes GM contaminantes. L’entreprise Scott avait été condamnée en 2007 à 340 000 euros d’amende après que cette même agrostide GM ait été retrouvée à 3,8 km de son lieu de culture l’année d’avant [6].
[1] Nature, 6 août 2010, http://www.nature.com/news/2010/100…
[3] voir notamment Noisette, C. 2009. Des OGM pour nourrir le monde ? Montreuil : Inf’OGM, 86 p.
[4] Monsanto, 19 octobre 2010
[6] Inf’OGM n°92, mai 2008, PGM et herbicides : une relation incestueuse