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Un insecte résistant à un coton Bt
Une étude publiée dans Nature Biotechnology a été présentée dans la grande presse comme la première démonstration de l’acquisition d’une résistance d’une noctuelle, un petit papillon, à l’insecticide contenu dans une plante transgénique destinée à la combattre. Qu’en est-il exactement ?
Les résultats de l’étude
L’équipe du Pr. Tabashnik de l’Université d’Arizona a établi que dans les Etats d’Arkansas et du Mississipi, certains papillons de l’espèce Helicoverpa zea ont acquis une résistance à la protéine Cry1Ac exprimée par le coton Bt [1]. Les données analysées provenant d’insectes prélevés sur les champs de culture, et la résistance observée n’existant pas préalablement aux cultures de coton Bt dans ces Etats, les chercheurs en concluent donc qu’elle est le résultat de l’adaptation des insectes exposés à la protéine Cry1Ac du coton Bt. Cette résistance s’est accrue entre les années 2003-2004 et 2005-2006. Les auteurs notent toutefois que ce phénomène n’est pas observé pour les mêmes insectes exposés aux mêmes cultures dans l’Etat de Caroline du Nord, sans émettre d’hypothèses d’explication satisfaisantes.
Interprétation des auteurs en termes agronomiques
Les scientifiques expliquent cependant que cette résistance n’a pas entraîné d’échec particulier des cultures de coton Bt pour quatre raisons : le phénomène observé ne concerne pas une majorité des populations d’insectes ; des insecticides ont été également aspergés sur les champs pour augmenter le contrôle des insectes présents car, selon les auteurs, la protéine Cry1Ac seule n’est pas suffisante pour lutter contre des populations denses de ravageurs ; face à cette résistance en cours de développement, la protéine Cry1Ac provoque encore entre 48 et 60% de mortalité ; enfin, la mise en culture croissante de coton doté de deux événements transgéniques (Cry1Ac et Cry2Ab par exemple dans le coton 15985) maintient un contrôle des populations d’insectes. Les scientifiques concluent donc que la stratégie des zones refuges, dont le principe est de mettre en culture du coton non transgénique dans un champ de coton transgénique pour maintenir une population d’insectes sensibles, en limitant l’exposition des insectes à la protéine insecticide, s’est montrée efficace car pour eux, sans cette stratégie, cette résistance serait apparue plus tôt. Aucune explication du mécanisme biologique de cette résistance n’est encore apportée.
Les stratégies recommandées
En 2004, le Pr. Tabashnik avait déjà montré la contamination de zones refuge de maïs non transgénique par du pollen de maïs Bt (cf. Inf’OGM n°54, ETATS-UNIS- Contamination des zones refuges). Il concluait alors : « il est temps de redéfinir les règles de cultures des plantes transgéniques » [2]. Ce qui a été fait, mais pas dans le sens du scientifique, puisqu’en 2007, l’Agence états-unienne de Protection de l’Environnement (EPA) autorisait les agriculteurs de l’Est des Etats-Unis cultivant le coton Bt Bollgard II de Monsanto, à cultiver, au titre de zones refuges, des plantes autres que du coton (cf. Inf’OGM n°87, ETATS-UNIS – Les zones refuges changent de nature).
Des cas de résistance existaient déjà
Inf’OGM a déjà rapporté d’autres phénomènes de résistance à la toxine Bt du coton transgénique (des mites résistantes en en Caroline du Nord (cf. Inf’OGM n°23, ETATS-UNIS – Des mites résistantes au Bt.) ; le ver du coton résistant en Chine (cf. Inf’OGM n°54, CHINE – Coton transgénique inefficace à terme ?) et en Inde (cf. Inf’OGM n°67, INDE – Coton Bt inefficace et surestimé). Mais la présente étude s’est intéressée pour la première fois à l’aspect quantitatif et souligne que cette résistance chez Helicoverpa zea, a franchi le seuil au-delà duquel une protéine insecticide perd « substantiellement » de son efficacité. C’est donc la première fois qu’est démontré qu’un insecte a franchi un seuil quantitatif de résistance à une PGM. Face à ces résultats, la question est donc de savoir si les autorités vont se contenter de se reposer sur la part de plus en plus grande des plantes contenant deux protéines transgéniques insecticides ou si des plans de surveillance plus poussés vont être mis en place, en parallèle de la réflexion sur la pertinence d’augmenter la surface des zones refuges. A l’heure actuelle, aux Etats-Unis, les cultures de coton transgéniques doivent déjà contenir des zones refuges correspondant à 5% de la surface du champ si le coton non GM ne subit aucun traitement insecticide et 20% si des traitements sont appliqués.