Hawaï : un OGM a-t-il sauvé l’industrie de la papaye ?
Dans les années 90, la papaye d’Hawaï a souffert du virus des tâches en anneaux, le « Ringspot virus » (PRSV). Une papaye génétiquement modifiée nommée « Rainbow » (arc-en-ciel en anglais), tolère ce virus. Mais que cache cet arc-en-ciel ? Les réponses de Claire Chauvet et Frédéric Guérin de Stop OGM Pacifique [1].
En 1989, Denis Gonzalves, chercheur de l’université d’Hawaï, en collaboration avec l’université Cornell (aux États-Unis), modifie la variété Solo et crée trois variétés transgéniques : SunUp, Rainbow et Laie Gold, toutes censées résister au virus PRSV. Les premiers essais sont réalisés en avril 1992, et un mois après, le virus PRSV est détecté pour la première fois dans le district de Puna sur l’île principale Big Island… La papaye GM est ensuite adoptée en un temps record, sans débat public, franchissant toutes les étapes officielles d’autorisation avant une vaste opération de promotion visant à distribuer les semences aux agriculteurs. Distribuées gratuitement la première année (les planteurs hawaïens n’ayant pas l’habitude d’acheter des semences), elles sont depuis vendues. Les papayes GM représentent aujourd’hui plus 90% des papayes cultivées dans l’archipel.
Derrière cette success story, on décèle une opération de promotion beaucoup plus vaste : celle visant à faire accepter aux Hawaïens l’introduction des OGM dans leur archipel, devenu en moins de 20 ans le champ d’expérimentation et de développement des firmes biotechnologiques. Plus de 6 000 expérimentations de plantes GM sur 20 000 hectares… et des batailles juridiques sans fin entre pro et anti-OGM…
Un problème de mode de culture
Pour se propager, le virus PRSV a besoin d’un puceron qui attaque de préférence les plantes affaiblies et profite des vastes monocultures intensives de papayers.
C’est donc principalement le mode de culture choisi à Hawaï qui favorise le développement du virus, celui-ci étant quasiment absent des plantations en agroforesterie adoptées par les planteurs traditionnels de Hawaï (et d’ailleurs). À Hawaï, les agriculteurs biologiques ont développé leur propre méthode pour limiter la propagation du PRSV : petites parcelles en culture associées (avec d’autres fruitiers comme des bananiers) et pulvérisation de silice qui permet de bloquer les piqûres de pucerons. Au Mexique, les producteurs s’estiment satisfaits des méthodes de lutte classique, à savoir barrières inter-cultures, insecticides contre les pucerons, élimination des pieds malades…
Des alertes ont été lancées par les opposants hawaïens à la papaye GM sur ses effets indésirables : elles ne seraient résistantes qu’à une souche du virus, plus vulnérables aux maladies fongiques que les papayes non-OGM, plus sensibles aux aléas des transports, susceptibles de causer des allergies [2] et surtout leur dissémination involontaire est incontrôlable.
La papaye transgénique (OGM) est autorisée à la commercialisation uniquement aux États-Unis, au Canada et au Japon. Mais on retrouve sur les étals japonais principalement des papayes hawaïennes de la variété Sunrise (non-OGM) et pas Rainbow, car les japonais boudent les OGM.
N’oublions pas par ailleurs que la papaye hawaïenne ne représente que 0,1% de la production mondiale…
Une papaye GM omniprésente…
L’ONG Hawaï seed a publié en 2006 les résultats d’une enquête qui révèle un taux de contamination des parcelles non-GM d’Hawaï de 50% [3]. Par ailleurs 1% des semences non-GM vendues par l’université d’Hawaï sont également contaminées. Les agriculteurs biologiques, qui ressèment les graines de leurs papayes, doivent désormais faire analyser leurs papayes pour certifier avant exportation qu’elles ne sont pas OGM…
Cette problématique ne concerne malheureusement pas que Hawaï puisque, non content d’avoir « sauvé » la papaye hawaïenne, Denis Gonzalves tente d’exporter sa technologie aux quatre coins de la planète et fait des émules notamment en Chine et en Thaïlande. L’étendue de la contamination, via les semences et les fruits, va des îles du Pacifique (beaucoup de petits États insulaires n’ont pas de réglementation pour les semences) aux étals de nos primeurs exotiques européens, comme nous l’avions déjà relaté dans un précédent article [4].
[1] et actuels administrateurs d’Inf’OGM.